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Pays de l’ex-Yougoslavie

Pays de l’ex-Yougoslavie

Pays de l’ex-Yougoslavie

LA RÉGION qui formait autrefois la Yougoslavie présente une diversité fascinante. Entourée par l’Europe centrale et l’Europe de l’Est au nord, la Grèce et la Turquie au sud et l’Italie à l’ouest, cette région est un creuset culturel, linguistique et religieux. Toutefois, pour beaucoup, le nom de Yougoslavie est synonyme de conflits et de dissensions. De l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand en 1914 à la purification ethnique plus récente, cette partie de la péninsule des Balkans a connu peu de périodes de paix. Au fil des affrontements entre les différents peuples pour obtenir leur indépendance, les républiques sont devenues des pays. Finalement, la Yougoslavie a éclaté, et à sa place se trouvent aujourd’hui la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la Macédoine, le Monténégro, la Serbie et la Slovénie.

Sur ce fond de dissensions politiques, ethniques et religieuses s’écrit un récit des plus remarquables — une chronique d’amour, d’unité et de confiance. Les Témoins de Jéhovah ont triomphé des préjugés et de l’hostilité qui ont secoué les Balkans. Leur harmonie transculturelle est le fruit de leur fidélité à un gouvernement supérieur : le Royaume de Dieu.

LES DÉBUTS

Comment l’œuvre du peuple de Jéhovah a-​t-​elle débuté dans cette région ? Tout a commencé avec Franz Brand, un jeune barbier né en Vojvodine, dans le nord de la Yougoslavie. Franz était parti chercher du travail en Autriche, où il a eu un premier contact avec la vérité. Puis, en 1925, il est rentré chez lui et s’est joint à un petit groupe dont les membres lisaient et examinaient les manuels bibliques intitulés Études des Écritures, que des proches vivant aux États-Unis leur avaient envoyés.

Ayant compris qu’il devait prêcher, ce groupe a traduit en serbe deux brochures exposant les enseignements bibliques. Malheureusement, avant qu’elles ne soient diffusées, un frère influent qui s’était retourné contre l’organisation et avait formé sa propre secte a visité le groupe. Il a persuadé tout le monde, excepté Franz, de se séparer des Étudiants de la Bible.

Franz est alors parti pour Maribor, en Slovénie, où il a trouvé une place chez un barbier. Il a donné le témoignage au propriétaire de la boutique, Richard Tautz, qui a accepté la vérité. Surnommés “ les barbiers de la Bible ”, Franz et Richard se sont servis de la boutique comme d’un centre d’évangélisation. Les clients les écoutaient attentivement — ils n’avaient pas l’air de vouloir parler ou bouger pendant le rasage ! L’un d’eux, Ðuro Džamonja, faisait de la politique ; un autre, Rudolf Kalle, possédait un atelier de réparation de machines à écrire. Ðuro et Rudolf ont tous les deux progressé rapidement et se sont fait baptiser. Ðuro a abandonné la politique et a aidé à créer l’association “ Le phare des Étudiants de la Bible dans le royaume de Yougoslavie ”. Grâce à cette association, les frères pouvaient prêcher et se réunir en toute liberté.

LE “ PHOTO-DRAME ” OUVRE LA VOIE

En 1931, le siège des Témoins de Jéhovah de Suisse a envoyé deux frères projeter le “ Photo-Drame de la Création ” dans les grandes villes de Yougoslavie. Les salles étaient combles et les spectateurs suivaient très attentivement la présentation de Ðuro. Le “ Photo-Drame ” a suscité un intérêt pour la vérité biblique dans tout le pays. À la même époque, les frères de Maribor tenaient des réunions en slovène et en allemand. D’autre part, à Zagreb et dans ses environs, des groupes se rassemblaient pour examiner des publications qui avaient été traduites en croate.

Les frères ont ensuite décidé de s’atteler à la traduction de La Tour de Garde en slovène et en croate — tâche ardue en ces débuts. Une fois qu’un numéro était traduit, une sœur le tapait à la machine en utilisant du carbone, produisant ainsi 20 exemplaires seulement à la fois. Plus tard, l’acquisition d’une ronéo a permis de tirer simultanément 200 exemplaires de La Tour de Garde.

Munis de ces revues, des frères et sœurs partaient prêcher en train dans différentes régions de Yougoslavie. De temps à autre, ceux de Slovénie louaient un pick-up ainsi que les services d’un chauffeur non Témoin. Celui-ci les amenait à destination, puis les attendait toute la journée, jusqu’à ce qu’ils aient fini de prêcher. Ces proclamateurs de la première heure étaient peu formés, et leur message parfois abrupt, mais Jéhovah bénissait leurs efforts en les aidant à trouver “ ceux qui étaient dans la disposition qu’il faut pour la vie éternelle ”. — Actes 13:48.

“ J’ai entendu parler de la vérité en 1931 par ma tante, Terezija Gradič, et son mari, Franc, se rappelle Franc Sagmeister. Mon oncle figurait parmi les premiers proclamateurs de Slovénie. Jadis un grand ennemi de la religion, il s’était mis à lire la Bible avec empressement, ce qui a fait forte impression sur moi. J’ai donc étudié les Écritures avec lui. Malgré l’opposition de ma famille, je désirais communiquer ce que j’apprenais. Quand le prêtre l’a su, il m’a aussitôt convoqué. Il m’a dit que je n’avais pas le droit d’avoir une bible parce que je ne pouvais pas la comprendre. J’ai refusé de lui donner mon exemplaire. Par la suite, à la mort de mon père, il m’a accosté dans la rue, furieux que je n’aie pas payé pour qu’une messe soit dite en sa faveur. Je lui ai répondu que je paierais pour cent messes, et même pour mille, si cela aidait mon père.

“ ‘ Mais ça l’aide, ça l’aide ! ’ a-​t-​il rétorqué.

“ ‘ S’il est au ciel, ai-​je repris, il n’a pas besoin de votre messe, et s’il est en enfer, il n’en a pas besoin non plus. ’

“ ‘ Et s’il est au purgatoire ? ’ a-​t-​il répliqué.

“ ‘ Monsieur le prêtre, ai-​je répondu, vous savez que je possède de nombreux biens. Je suis prêt à aller chez un notaire et à tout vous céder si vous pouvez me prouver avec la Bible que l’homme a une âme immortelle, que l’enfer et le purgatoire existent et que Dieu est une trinité. ’

“ Il m’a foudroyé du regard, il a allumé une cigarette et il est parti. ”

LES PREMIERS PIONNIERS

Dans les années 30, des hommes et des femmes dévoués ont permis à la lumière spirituelle de poindre en Yougoslavie. À Maribor (Slovénie), Grete Staudinger, Katarina Konečnik et par la suite Karolina Stropnik ont entrepris ce qu’on appellera plus tard le service de pionnier de vacances. Plus au sud, à Mostar, la ville principale d’Herzégovine, un chef d’orchestre du nom d’Alfred Tuček a reconnu le son de la vérité et est devenu pionnier. Dušan Mikić, un jeune Zagrébois de 23 ans, a obtenu la brochure Où sont les morts ? a fait lui aussi de rapides progrès jusqu’au baptême et est devenu pionnier. Les rangs des évangélisateurs à plein temps allaient bientôt être renforcés par l’arrivée de frères et sœurs allemands zélés.

Tandis que la vérité prenait racine en Yougoslavie, elle commençait à subir l’interdiction en Allemagne. Le siège des Témoins de Suisse a envoyé en Yougoslavie une vingtaine de pionniers expérimentés, dont Martin Poetzinger, Alfred Schmidt, Vinko et Josephine Platajs, ainsi que Willi et Elisabeth Wilke. Bien que ne parlant ni le slovène ni le serbo-croate, ces évangélisateurs désintéressés prêchaient hardiment à l’aide de cartes de témoignage, ouvrant de nouvelles perspectives de progrès.

LES DIFFICULTÉS DES PIONNIERS

Grâce à leur zèle pour Jéhovah et à leur amour pour les gens, les pionniers ont pu surmonter les difficultés liées à la langue et au manque de moyens. Un autre problème était les déplacements : il n’était pas rare de devoir faire une quarantaine de kilomètres à pied sur des chemins difficilement praticables et par un froid rigoureux pour atteindre des villages isolés. Une pionnière se souvient que, pour épargner ses chaussures, elle allait nu-pieds d’une localité à une autre. Martin Poetzinger, qui est plus tard devenu membre du Collège central, aimait évoquer l’époque où il parcourait la campagne avec un sac à dos plein de publications, prêchant à tous ceux qui désiraient l’écouter.

L’obstacle des transports s’est aplani lorsqu’un frère de Suisse a acheté des bicyclettes et en a fait don à ces fidèles prédicateurs. Elles ont été utilisées dans le ministère pendant plusieurs décennies.

Même si les Yougoslaves ont la réputation d’être hospitaliers, les pionniers se sont heurtés à une persécution sévère en raison de l’opposition religieuse. Les prêtres exerçaient une forte emprise sur leurs ouailles, surtout dans les petits villages. Ils encourageaient parfois les enfants à suivre les pionniers et à leur jeter des pierres. Le clergé incitait aussi les autorités à harceler les pionniers, à confisquer leurs publications et à les arrêter.

Un jour, alors qu’il prêchait en Croatie, Willi Wilke a entendu de l’agitation et des cris provenant de la place du village. Avec sa femme ainsi qu’une autre pionnière, Grete Staudinger, ils distribuaient la brochure Le juste Souverain, qui représentait Jésus Christ en couverture. “ En arrivant, j’ai été horrifié de voir qu’une vingtaine de personnes en furie et armées de faux encerclaient ma femme, raconte frère Wilke. À proximité, un autre groupe était occupé à brûler nos brochures. ”

Les pionniers ignoraient ce qui avait provoqué la colère de ces humbles villageois, et sœur Wilke ne connaissait pas assez bien la langue pour le découvrir. Toutefois, Grete, qui parlait couramment l’allemand et les langues locales, s’est écriée : “ Messieurs Dames, que faites-​vous ? ”

“ Nous ne voulons pas du roi Pierre ! ” ont-​ils répondu presque d’une seule voix.

“ Mais nous non plus ”, a répliqué Grete.

Surpris, ils ont montré l’image de la brochure et ont demandé : “ Alors pourquoi faites-​vous de la propagande pour lui ? ”

Tout s’éclairait. L’année précédente, en 1934, Alexandre Ier, roi de Yougoslavie, avait été assassiné et son fils Pierre devait lui succéder. Mais les villageois préféraient l’autonomie à un monarque de Serbie. Et ils avaient confondu Jésus Christ, représenté sur l’image, avec le roi Pierre !

Une fois le malentendu dissipé, un témoignage complet a pu être donné au sujet du Roi Jésus Christ. Certains de ceux qui avaient brûlé les brochures en voulaient maintenant de nouvelles. En quittant le village, les pionniers étaient heureux d’avoir senti que la main protectrice de Jéhovah avait été sur eux.

Les pionniers devaient également prendre en considération les coutumes locales. Lorsqu’ils prêchaient dans des villages bosniaques à prédominance musulmane, ils devaient faire très attention à ne pas offusquer les habitants. Par exemple, regarder dans les yeux une femme mariée pouvait déclencher une réaction hostile chez son mari.

En ce temps-​là, le pays comptait très peu de congrégations et de groupes. C’est pourquoi, après toute une journée de prédication dans un village éloigné, il était parfois difficile de trouver un toit pour la nuit. Avec le peu d’argent qu’ils avaient, les pionniers ne pouvaient se payer une chambre convenable dans une auberge. Josephine Platajs se souvient : “ Dans une certaine localité, personne ne voulait nous recevoir, par peur du prêtre catholique. En sortant du village — il faisait déjà sombre —, nous avons remarqué au pied d’un grand arbre un tapis de feuilles mortes : notre lit pour la nuit ! Nous nous sommes servis de nos sacs à linge comme d’oreillers et mon mari a attaché la bicyclette à sa cheville avec une corde. Le lendemain, au réveil, nous nous sommes rendu compte que nous avions dormi à côté d’un puits : nous avions de l’eau pour nous laver. Non seulement Jéhovah nous avait protégés, mais il avait pourvu à nos besoins physiques. ”

Les pionniers ont constaté que Jéhovah prenait soin d’eux jusque dans les petites choses. Plutôt que de se préoccuper de leur confort personnel, ils s’inquiétaient des progrès de la bonne nouvelle.

UN PASSAGE EN MACÉDOINE

Alfred et Frida Tuček, tous deux pionniers, ont profité de leur voyage de Slovénie en Bulgarie pour propager le message du Royaume. À Strumica, en Macédoine, ils ont prêché au gérant d’un magasin, Dimitar Jovanovič, et lui ont prêté des publications. Un mois plus tard, en rentrant de Bulgarie, ils sont retournés le voir. Comme Dimitar n’avait pas lu les publications, ils ont voulu les reprendre pour en faire bénéficier d’autres. Sa curiosité ayant été piquée, il les a suppliés de lui accorder un délai supplémentaire. En les lisant, il a compris qu’il avait trouvé la vérité. Il a été le premier à se faire baptiser Témoin de Jéhovah en Macédoine.

Dimitar a communiqué la vérité à deux frères, Aleksa et Kosta Arsov, et bientôt il y avait trois Témoins en Macédoine. Équipés de périodiques, d’un phonographe et de sermons sur disques, ils se sont mis à prêcher. Un des périodiques est arrivé entre les mains d’un pasteur méthodiste, qui l’a passé à Tušo Carčev, un jeune homme brillant de sa paroisse. Intéressé par ce qu’il a lu, Tušo a convaincu le pasteur de lui fournir d’autres numéros. Il n’a pas tardé à découvrir qu’il n’était pas convenable d’être payé pour prêcher la bonne nouvelle. Tout enthousiaste, il est allé le dire au pasteur, lequel, pour toute réponse, a cessé de l’approvisionner. Ayant trouvé dans les périodiques l’adresse du Béthel de Maribor, Tušo a écrit pour en recevoir d’autres. Les frères ont pris contact avec Dimitar, Aleksa et Kosta afin qu’ils lui rendent visite. Très vite, un groupe s’est formé.

En 1935, le Béthel a été transféré de Maribor (Slovénie) à Belgrade (Serbie), la capitale yougoslave. Franz Brand et Rudolf Kalle s’en sont vu confier la direction.

L’INTERDICTION DE L’ŒUVRE

Le zèle des frères de l’époque ressort clairement d’une brochure publiée par l’Église catholique en 1933. L’activité des Témoins y était décrite dans les moindres détails et, d’après l’Église, elle prendrait fin prochainement. Cette prédiction s’est révélée complètement erronée !

Dans le nord de la Yougoslavie, l’activité zélée du petit groupe de pionniers a excité la colère des membres du clergé. Leur colère s’est intensifiée lorsqu’une décision de justice a fait barrage à des tentatives d’entrave à la prédication. Toutefois, par la suite, un prêtre jésuite originaire de Slovénie est devenu ministre de l’Intérieur. Un de ses premiers décrets a ordonné la dissolution de l’association “ Le phare ” ; puis, en août 1936, l’œuvre a été officiellement interdite. Les autorités ont mis les Salles du Royaume sous scellés et ont saisi toutes les publications. Heureusement, comme les congrégations avaient été prévenues, les autorités n’ont pas trouvé grand-chose à confisquer. Afin que l’œuvre puisse se poursuivre, une petite maison d’édition a été ouverte à Belgrade sous le nom de Kula stražara (La Tour de Garde), et les réunions ont continué à se tenir, mais chez des particuliers.

À présent qu’existait une interdiction officielle, le gouvernement a redoublé d’efforts pour faire cesser la prédication. Les évangélisateurs à plein temps étant devenus des cibles de choix, la situation était de plus en plus délicate pour nos frères germanophones. C’était l’interdiction de l’œuvre qui avait conduit nombre de ces pionniers à quitter d’autres pays d’Europe, et voilà qu’elle sévissait en Yougoslavie aussi. Toutefois, malgré les arrestations et les emprisonnements, leur zèle ne faiblissait pas. “ En prison, il était parfois difficile de recevoir des visites, mais Jéhovah ne nous a jamais abandonnés, a constaté une sœur. Un jour, quand un frère est venu pour nous voir et qu’on le lui a interdit, il a parlé si fort au gardien que nous l’avons entendu. Le seul son de sa voix nous a grandement encouragés. ”

Durant cette période troublée, il a fallu beaucoup de courage pour traduire et diffuser la brochure Le juge Rutherford démasque la cinquième colonne, qui dénonçait le soutien apporté par l’Église catholique aux mesures du gouvernement nazi. La brochure a été traduite en serbe, en croate et en slovène, et imprimée à 20 000 exemplaires dans chacune de ces langues. Interdite dès le début, elle a été à l’origine de l’expulsion des pionniers étrangers ainsi que d’une mise en accusation par le procureur général des éditeurs de la brochure, contre qui il requérait 10 à 15 ans de prison. Malgré les risques encourus, les quelques proclamateurs de Yougoslavie ont diffusé les 60 000 exemplaires en peu de temps.

“ À l’époque, les gens avaient soif d’écrit et aimaient lire ”, explique Lina Babić, qui a connu la vérité vers la fin de la Seconde Guerre mondiale et qui a côtoyé de près des frères et sœurs fidèles. “ Comme la prudence était de rigueur, poursuit-​elle, j’ai décidé de recopier des publications à la main dans mon calepin. Ainsi, en cas de perquisition, on pourrait croire que c’étaient des notes personnelles. ”

TOLSTOÏ OU JÉHOVAH

Alors que le monde était au bord de la guerre, une des plus grandes congrégations de Yougoslavie a connu une scission. Certains s’étaient mis à défendre les idées de l’écrivain et philosophe religieux russe Léon Tolstoï. Autrefois membre de l’Église orthodoxe russe, Tolstoï avait acquis la conviction que toutes les Églises chrétiennes étaient des institutions corrompues qui avaient complètement falsifié le christianisme. Des frères ont pris cette attitude de méfiance envers toutes les organisations religieuses et sont devenus insatisfaits de celle de Jéhovah. Abusant de la confiance qui lui était accordée, le frère qui s’occupait de la congrégation de Zagreb a réussi à en convaincre la majeure partie d’adhérer aux idées de Tolstoï. Si forte était son influence que plus de 60 membres de la congrégation ont adopté une résolution par laquelle ils reniaient l’organisation de Jéhovah.

Quand Rudolf Kalle a eu vent de la situation, il a quitté Belgrade en toute hâte pour rencontrer la congrégation dans son entier. Il a traité des vérités bibliques fondamentales que Jéhovah avait révélées par le moyen de la classe de l’esclave fidèle et avisé (Mat. 24:45-47). Puis il a demandé : “ Qui vous a enseigné ces vérités ? Tolstoï ou l’organisation de Jéhovah ? ” Citant Josué 24:15, il a prié ceux qui voulaient rester dans l’organisation de Jéhovah de lever la main. Seules deux personnes se sont manifestées.

“ C’était terriblement affligeant ”, a confié Rudolf.

Tous les bons résultats obtenus dans la congrégation semblaient sur le point d’être anéantis.

Invitant les deux Témoins fidèles à monter sur l’estrade, Rudolf a dit : “ Nous restons à trois seulement. Désormais, nous représentons le peuple de Jéhovah dans cette ville. J’aimerais demander à tous les autres de quitter la salle et de suivre leur propre chemin. Veuillez nous laisser tranquilles ! Nous voulons servir notre Dieu, Jéhovah ; vous pouvez aller servir votre Tolstoï. Nous ne voulons plus vous fréquenter. ”

Il s’est fait un silence de plusieurs secondes. Puis, l’un après l’autre, les assistants ont levé la main en disant : “ Moi aussi je veux servir Jéhovah. ” En fin de compte, seul le surveillant de congrégation apostat et quelques-uns de ses partisans sont sortis. Cette épreuve a renforcé la fidélité des serviteurs de Jéhovah en vue de celles, bien plus sévères, qui les attendaient.

LES MALHEURS DE LA GUERRE

Le 6 avril 1941, l’armée allemande a envahi la Yougoslavie. Le Béthel a été endommagé lors d’attaques aériennes massives sur Belgrade. Le pays a été divisé par les troupes allemandes. Pendant un temps, les combats ont empêché toute communication entre le Béthel, en Serbie, et les frères de Slovénie, de Croatie et de Macédoine. La situation était pire encore pour les frères du sud de la Macédoine, qui n’ont pu rétablir le contact qu’après la guerre.

Les Témoins se retrouvaient soudain face à de nouvelles difficultés. Le monde plongé dans un conflit international a fait subir à nos chers frères et sœurs une période d’épreuves intenses et de criblage. Leur foi en Jéhovah et leur amour pour lui et pour son organisation allaient être éprouvés.

Les bureaux de Belgrade ont été fermés et la distribution de la nourriture spirituelle a été organisée depuis Zagreb, en Croatie. Comme les amendes et les emprisonnements étaient remplacés par la détention en camp de concentration et la peine de mort, la prudence et la discrétion s’avéraient plus que jamais indispensables.

Pendant l’occupation allemande, des camps de concentration ont été établis. En Croatie, ces camps servaient à isoler et à exécuter les membres de plusieurs minorités ethniques non catholiques, ainsi que tous les opposants religieux au régime. En Serbie, les nazis ont implanté des camps de travail et de concentration. Plus de 150 frères hongrois ont été incarcérés dans le camp de Bor pour leur neutralité. En Yougoslavie également, les Témoins de Jéhovah sont devenus la cible du régime nazi. En conséquence, ils prêchaient principalement de manière informelle. Il leur était conseillé de n’emporter que leur bible et une publication, et ils avaient des consignes sur la façon de répondre en cas d’arrestation. Ils se réunissaient par groupes restreints et ignoraient les autres lieux de réunion.

Comme les publications ne pouvaient entrer dans le pays sans risque, elles étaient recopiées clandestinement. Des frères s’activaient toute la nuit en différents endroits pour imprimer et assembler périodiques et brochures. De plus, ils travaillaient dur pour financer ces activités. Grâce à des relations d’affaires, ils réussissaient toujours à se procurer les fournitures nécessaires. Alors que les préjugés nationaux et religieux faisaient rage à l’intérieur des frontières, nos frères étaient unis et ils mettaient leurs ressources en commun pour produire la nourriture spirituelle vitale. Comment l’acheminaient-​ils jusqu’aux groupes isolés de leur territoire ?

Stevan Stanković, un cheminot d’origine serbe, s’est montré disposé à aider ses frères, quelle qu’ait été leur nationalité. Malgré les risques encourus, Stevan a accepté de faire passer secrètement des publications de Croatie en Serbie, alors occupée. Un jour, des policiers ont découvert des publications dans sa valise. Ils lui ont demandé d’où elles venaient. Par fidélité envers ses compagnons, Stevan a refusé de le révéler. La police l’a emmené en prison pour l’interroger, puis l’a transféré dans le camp tout proche de Jasenovac, réputé pour sa brutalité. Notre frère y a perdu la vie.

Mihovil Balković, un Témoin discret et ingénieux, était plombier en Croatie en cette époque troublée. Parallèlement à son travail profane, il rendait visite à ses compagnons pour les encourager et leur apporter des publications. “ Un jour, raconte son petit-fils, il a entendu dire que le train dans lequel il voyageait allait être fouillé à la ville suivante. Il est donc sorti une station plus tôt. Bien que la ville ait été presque entièrement entourée de barbelés, il a pu passer à travers une vigne. Il transportait les publications dans son sac à dos et avait mis, dans le compartiment du haut, deux bouteilles de raki (une eau-de-vie maison) ainsi que des provisions. Tandis qu’il traversait prudemment la vigne, il est passé devant un bunker et a été interpellé : ‘ Halte ! Qui êtes-​vous ? ’ a crié un soldat. Comme il se rapprochait, un autre a demandé : ‘ Qu’est-​ce que vous transportez ? ’

“ ‘ Un peu de farine, des haricots et des pommes de terre ’, a répondu Mihovil.

“ Interrogé sur le contenu des bouteilles, il a dit : ‘ Sens ça, et goûte. ’

“ Après que le soldat y a goûté, Mihovil a ajouté : ‘ Cette bouteille est pour toi, fiston ; et l’autre est pour moi. ’

“ Satisfaits de sa réponse et du raki, les soldats ont répondu : ‘ Tu peux y aller, grand-père ! ’

“ Ainsi, conclut le petit-fils de Mihovil, les publications ont pu être livrées sans encombre. ”

Mihovil était remarquablement courageux. Au cours de ses déplacements, il a traversé des zones contrôlées par des camps ennemis différents. Il s’est retrouvé nez à nez avec tantôt des “ partisans ” communistes ou des Oustachi * (des fascistes), ou encore des tchekniks. Plutôt que de reculer, il en profitait pour donner le témoignage et expliquer l’espérance que la Bible renferme. Il lui fallait beaucoup de courage, car la vie des Témoins était constamment menacée. À plusieurs reprises, il a été arrêté, interrogé et emprisonné.

Vers la fin de la guerre, la nuit du 9 novembre 1944, les “ partisans ” ont fait incursion chez lui, ont saisi les publications en sa possession et l’ont emmené. Hélas ! il n’est jamais revenu. On apprendra plus tard qu’il avait été décapité.

Josip Sabo n’était qu’un garçon quand il livrait à vélo des publications en Slavonie (Croatie). Sur son porte-bagages, il avait fixé une caisse, dans laquelle il mettait les publications, et par-dessus des poires fraîches, pour les cacher. À l’époque, l’entrée de presque tous les villages était fermée et gardée.

“ Qu’avez-​vous dans cette caisse ? ” demandaient les gardes à chaque poste.

“ Des poires pour mon oncle ”, répondait Josip. Les soldats en prélevaient alors une ou deux. Au fil du voyage, le nombre des poires qui couvraient les publications diminuait. Josip prenait donc un chemin abandonné pour épargner ses derniers fruits et les précieux ouvrages cachés dessous.

FIDÈLES JUSQU’AU BOUT

Lestan Fabijan, un maçon zagrébois, a parlé de la vérité à Ivan Sever, à Franjo Dreven et à Filip Huzek-Gumbazir. Ils se sont tous fait baptiser en l’espace de six mois et se sont mis à prêcher et à tenir des réunions. Le soir du 15 janvier 1943, une patrouille est venue chez Ivan Sever pour l’arrêter, ainsi que Franjo Dreven et un autre frère, Filip Ilić. Les soldats ont fouillé la maison, saisi toutes les publications et emmené les frères.

Ayant été informé de ces arrestations, Lestan est allé, accompagné de Filip Huzek-Gumbazir, réconforter la mère et la sœur de Franjo. Toutefois, les “ partisans ” ont eu vent de leur visite et les ont arrêtés à leur tour. Les cinq frères ont expliqué à l’aide de la Bible qu’ils ne servaient que Jéhovah et qu’ils étaient soldats de Christ. Parce qu’ils ont tous refusé de prendre les armes et de participer à la guerre, ils ont été condamnés à mort et incarcérés.

Une nuit, on les a tirés de leur sommeil, déshabillés et emmenés dans une forêt. En chemin, les soldats leur ont donné l’occasion de changer d’avis. Ils ont tenté de briser leur détermination en faisant appel à leur amour pour leur famille. À Filip Huzek-Gumbazir, ils ont parlé de sa femme enceinte et de ses quatre enfants. Filip a répondu qu’il était absolument certain que Jéhovah prendrait soin d’eux. À Franjo Dreven, qui n’avait ni femme ni enfant, ils ont demandé qui s’occuperait de sa mère et de sa sœur.

Une fois arrivés à l’endroit prévu, les soldats ont fait attendre les frères dans un froid glacial. Puis les exécutions ont commencé. D’abord, ils ont abattu Filip Huzek-Gumbazir. Ils ont ensuite marqué une pause et ont demandé aux autres s’ils voulaient revenir sur leur décision. Mais les frères étaient déterminés. Les soldats ont donc exécuté Franjo, Ivan et Lestan. Finalement, Filip Ilić, le dernier, a transigé et accepté de se joindre aux soldats. Trois mois plus tard, cependant, il est rentré chez lui pour maladie et a rapporté ces faits. La vie qu’il avait essayé de sauver par des compromis, il l’a perdue prématurément à cause de la maladie.

En Slovénie, nombre de nos frères et sœurs sont morts dans les persécutions. Par exemple, Franc Drozg, un forgeron de 38 ans qui refusait de porter les armes, a été exécuté par les nazis à Maribor le 8 juin 1942. Des témoins oculaires racontent qu’avant son exécution on lui a accroché au cou cette inscription : “ Je ne suis pas de ce monde. ” (Jean 17:14). La fermeté de sa foi est manifeste dans la lettre qu’il a écrite quelques minutes avant d’être abattu : “ Cher Rupert, aujourd’hui j’ai été condamné à mort. Ne pleure pas pour moi. Je t’adresse mon amour ainsi qu’à toute ta famille. À bientôt dans le Royaume de Dieu. ”

Les autorités faisaient des efforts acharnés pour arrêter la prédication, mais Jéhovah s’est montré un Dieu de salut. Par exemple, la police opérait des descentes fréquentes. Elle alignait les habitants de tout un quartier pour vérifier leur identité et conduisait en prison tous ceux qui avaient l’air suspect. Pendant ce temps, des agents fouillaient maisons et appartements. Les frères ont souvent vu la main protectrice de Jéhovah, notamment quand la police sautait leurs habitations, croyant sans doute qu’elles avaient déjà été perquisitionnées. Deux fois au moins, il s’agissait d’appartements qui contenaient de nombreuses publications et des ronéos. Durant cette époque périlleuse, les proclamateurs ont constaté maintes et maintes fois la véracité de cette assurance biblique : “ Jéhovah est plein de tendre affection et compatissant. ” — Jacq. 5:11, note.

CONDAMNÉS À MORT

En 1945, la Seconde Guerre mondiale a pris fin, et avec elle une des périodes les plus sanglantes de l’Histoire. La défaite de Hitler et de ses alliés laissait entrevoir aux frères la levée des restrictions et le rétablissement de la liberté de prêcher. Ils avaient des raisons d’être optimistes : le nouveau gouvernement communiste promettait la liberté de presse, d’expression et de culte.

Pourtant, en septembre 1946, 15 frères et 3 sœurs ont été arrêtés, parmi lesquels Rudolf Kalle, Dušan Mikić et Edmund Stropnik. L’enquête a duré cinq mois. Les autorités ont accusé les Témoins d’agir contre le peuple et contre l’État, et de menacer l’existence même de la Yougoslavie. Elles ont prétendu que notre œuvre était dirigée depuis les États-Unis et que la proclamation du Royaume de Dieu était un prétexte pour détruire le socialisme et rétablir le capitalisme. Un prêtre catholique a été le premier à accuser les frères d’être des espions américains sous couvert de religion.

Devant le tribunal, ils ont présenté leur défense courageusement et ont rendu un excellent témoignage à Jéhovah et à son Royaume. Vjekoslav Kos, un jeune frère, a déclaré : “ Messieurs les juges, j’ai reçu cette religion, l’enseignement de la Bible, de ma mère, et j’adorais Dieu. Pendant l’occupation allemande, ma mère a été emprisonnée. Deux de mes sœurs et mon frère, qui partageaient les croyances de ma mère, ont été emmenés à Dachau. Là, ils ont été fusillés parce qu’on les prenait pour des communistes à cause de leur façon d’adorer Dieu. Pour cette même religion, je comparais aujourd’hui devant ce tribunal, accusé d’être fasciste. ” La cour l’a libéré.

Toutefois, elle n’a pas été aussi indulgente avec tous. Trois des accusés ont été condamnés à être fusillés, et les autres à une peine d’emprisonnement allant de 1 à 15 ans. Une telle injustice a aussitôt déclenché les clameurs de notre communauté internationale. Des Témoins des États-Unis, du Canada et d’Europe ont écrit des milliers de lettres de protestation au gouvernement yougoslave. Ils ont également envoyé des centaines de télégrammes. Même des hauts fonctionnaires ont écrit en faveur de nos frères. Grâce à cette vague massive de soutien, les peines de mort ont été commuées en peines de 20 ans de prison.

L’opposition n’a cependant pas cessé. Deux ans plus tard, les autorités slovènes ont arrêté Janez Robas et sa femme, Marija, ainsi que Jože Marolt et Frančiška Verbec, parce qu’ils prêchaient. L’acte d’accusation stipulait notamment : “ [La] ‘ secte jéhoviste ’ [...] a recruté de nouveaux membres et les a endoctrinés pour qu’ils s’opposent à notre système social [et] au service militaire. ” Affirmant que les frères cherchaient à affaiblir la défense nationale, les autorités leur ont infligé des peines allant de trois à six ans de réclusion assortie de travaux forcés.

En 1952, à la suite d’un changement de politique, tous les prisonniers Témoins ont été libérés et le message du Royaume a continué d’être prêché. Jéhovah avait tenu sa promesse : “ Toute arme qui sera formée contre toi n’aura pas de succès, et toute langue qui se dressera contre toi en jugement, tu la condamneras. ” — Is. 54:17.

Néanmoins, le gouvernement a poursuivi ses efforts visant à affaiblir la détermination des frères. Les médias les ont taxés de “ malades mentaux ” et de “ fanatiques qui frisent la folie ”. Les reportages négatifs incessants et la crainte d’être surveillé ont commencé à perturber plus d’un frère. Quand des Témoins fidèles étaient relâchés, certains membres des congrégations voyaient en eux des espions. Malgré tout, Jéhovah continuait de fortifier les congrégations par le moyen de frères fidèles et mûrs.

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, quand Josip Broz Tito a accédé au pouvoir, il est devenu évident que l’armée allait jouer un rôle-clé en Yougoslavie. Ceux qui refusaient de faire le service militaire, quelle qu’en soit la raison, se sont retrouvés en opposition avec le gouvernement.

LEUR FIDÉLITÉ EST ÉPROUVÉE

Durant la Seconde Guerre mondiale, Ladislav Foro, un petit Croate de neuf ans, avait assisté à une réunion obligatoire rassemblant toute la ville, à l’occasion de laquelle un prêtre avait prononcé un sermon. Le sermon fini, Ladislav avait regardé par curiosité derrière le rideau de la scène et avait vu le prêtre retirer sa soutane : il portait au-dessous un uniforme de l’Oustacha avec une cartouchière à laquelle était accrochée une grenade. Saisissant son sabre, il avait enfourché un cheval en criant : “ Frères, allons christianiser ! Si quelqu’un n’est pas d’accord, vous savez ce que vous devez faire ! ”

Ladislav savait qu’un homme de Dieu ne devait pas agir ainsi. Peu après cet incident, il s’était mis à accompagner son oncle aux réunions clandestines des Témoins. Malgré la colère de ses parents, il avait persévéré et avait réalisé d’excellents progrès spirituels.

En 1952, quand Ladislav a été appelé sous les drapeaux, il a exposé sans détours sa position chrétienne de neutralité. Les officiers l’ont soumis à maints interrogatoires afin de le forcer à prêter le serment du soldat. Un jour, ils l’ont conduit aux baraquements où 12 000 recrues étaient rassemblées pour prêter serment. Devant tout le monde, les soldats lui ont mis un fusil sur l’épaule, qu’il a aussitôt déposé à terre. Se servant des haut-parleurs pour que tous entendent, ils l’ont averti qu’ils le fusilleraient s’il recommençait. Comme il refusait de nouveau, ils l’ont emmené jusqu’à un cratère de bombe profond de plusieurs mètres et l’y ont jeté. Quand l’ordre d’exécution a été donné, un soldat a tiré deux fois dans le cratère, puis les hommes sont retournés aux baraquements. Mais les balles avaient manqué leur cible !

Ce soir-​là, les officiers l’ont sorti du cratère et l’ont escorté à la prison de Sarajevo. On l’y a accueilli avec une lettre mentionnant que certains de ses coreligionnaires avaient consenti à des compromis pendant que lui croupissait en prison avec des criminels. À plusieurs reprises, les officiers ont fait pression sur lui par d’interminables discussions du même genre. Mais Ladislav se disait : ‘ Ai-​je choisi de servir Jéhovah pour un individu en particulier ? Non ! Suis-​je là pour plaire aux hommes ? Non ! Ma vie dépend-​elle de ce que les autres peuvent dire, penser ou faire ? Non ! ’

Ce raisonnement spirituel a aidé Ladislav à rester fidèle jusqu’à sa libération, quatre ans et demi plus tard. Par la suite, il a été surveillant de circonscription avec le soutien de sa femme et sœur dans la foi, Anica.

UNE RECONNAISSANCE LÉGALE LIMITÉE

Après sa séparation d’avec l’Union soviétique en 1948, Tito a décentralisé le gouvernement et accordé au peuple de plus en plus de liberté. Même si le gouvernement demeurait socialiste, la religion était davantage tolérée.

Le gouvernement a demandé à rencontrer des représentants des Témoins de Jéhovah et leur a suggéré de rédiger une nouvelle charte, qui permettrait la reconnaissance légale de leur activité. C’est ce que les frères ont fait. Ainsi, le 9 septembre 1953, les Témoins de Jéhovah ont de nouveau été enregistrés officiellement en Yougoslavie.

Tandis que d’autres pays communistes déportaient nos frères, les Témoins de Yougoslavie jouissaient d’une liberté suffisante pour se réunir dans des salles désignées à cet effet. Cette liberté permettait aussi à ceux de Macédoine de recevoir des publications et d’établir le contact avec le bureau de Zagreb. Toutefois, il faudrait attendre 38 ans, à compter de leur enregistrement en tant que religion en 1953, pour que les Témoins de Jéhovah puissent prêcher de maison en maison légalement.

Mais les problèmes persistaient. En raison de la neutralité des frères, les autorités voyaient leur prédication comme de la propagande. Le réseau national de la police secrète ainsi que des informateurs l’ont rendue très difficile. Les frères surpris en train de prêcher pouvaient être arrêtés et punis d’une amende. Un rapport déclarait : “ Les arrestations et les poursuites continuent. C’est particulièrement le cas en Slovénie, où l’influence catholique est la plus forte et où nombre de serviteurs de Jéhovah sont surveillés par la police et ses agents, dont l’objectif est de les prendre en train d’étudier la Parole de Dieu. Cependant, les frères démontrent qu’ils sont déterminés à faire échouer la persécution, à obéir à Dieu plutôt qu’à l’homme. ”

“ PRUDENTS COMME DES SERPENTS ”

Lorsqu’ils prêchaient dans les territoires ruraux de Slovénie, les frères demandaient d’abord aux occupants s’ils vendaient des œufs. Quand les prix étaient intéressants, ils en achetaient pour ne pas éveiller de soupçons. Une fois qu’ils avaient assez d’œufs, ils demandaient aux maisons suivantes du bois de chauffage. Si la prudence le permettait, au cours de la transaction, ils orientaient la conversation sur la Bible. — Mat. 10:16.

Autour de Zagreb (Croatie), les frères travaillaient le territoire systématiquement mais de manière à ne pas se faire repérer. Une de leurs stratégies consistait à frapper à une porte sur dix. Par exemple, ceux à qui l’on confiait le numéro 1 se rendaient ensuite aux numéros 11, 21, 31, etc. Grâce à ces efforts, de nombreux habitants ont appris à connaître Jéhovah. Toutefois, étant donné les problèmes que posait le porte-à-porte, la méthode la plus fréquemment employée était le témoignage informel.

En Serbie, les frères se réunissaient chez des particuliers. Damir Porobić raconte qu’après la Seconde Guerre mondiale les réunions se sont tenues chez sa grand-mère. “ Il y avait entre cinq et dix assistants, explique-​t-​il. La maison de ma grand-mère était idéalement située, car elle était accessible par deux rues. Aussi, tous pouvaient venir et repartir discrètement, afin de ne pas être suspectés. ”

Veronika Babić est née en Croatie. Au milieu des années 50, sa famille s’est mise à étudier. Après son baptême, en 1957, Veronika est partie avec son mari pour Sarajevo (Bosnie). Milica Radišić, native de Slavonie (Croatie), s’est fait baptiser en 1950. Sa famille également est allée vivre en Bosnie. Ensemble, ces deux familles ont commencé à y répandre la vérité du Royaume. Comme ailleurs en Yougoslavie, la prudence était de rigueur. “ On nous signalait à la police, témoigne Veronika, et nos publications étaient confisquées. Nous étions arrêtés, interrogés, menacés d’emprisonnement et condamnés à des amendes. Mais rien de tout cela ne nous décourageait ni ne nous effrayait. Au contraire, notre foi en Jéhovah s’en trouvait fortifiée. ”

“ Une fois, se souvient Milica, un homme est venu à la Salle du Royaume et a manifesté de l’intérêt. Il a été bien reçu. Il a même logé quelque temps chez des frères. Il participait avec zèle aux réunions. Mais un jour, sur son lieu de travail, notre fille l’a vu assister à une réunion de la police secrète. Nous avons alors compris qu’il avait été envoyé pour nous espionner. Ses liens avec la police ayant été découverts, il a cessé de venir. ”

LES PREMIÈRES SALLES DU ROYAUME

Avant que l’État ne les reconnaisse, la loi interdisait aux Témoins de Jéhovah de se rassembler chez des particuliers. Les frères le faisaient donc au risque d’être arrêtés. Néanmoins, quand les réunions ont été autorisées, ils ont eu du mal à trouver des locaux où les tenir, car beaucoup n’aimaient pas les Témoins et refusaient de leur louer des bâtiments. C’est pourquoi ils ont décidé d’en acheter.

Les frères ont rapidement trouvé un atelier dans le centre de Zagreb (Croatie). Ils en ont fait une magnifique Salle du Royaume de 160 places, à laquelle ils ont ajouté un petit bureau pour l’impression des publications. Cette salle était aussi utilisée pour les assemblées ; d’ailleurs, elle a été mise en service en 1957, à l’occasion de la première assemblée de district organisée pour les Témoins de toute la Yougoslavie. Quelques années après, les frères ont acheté une maison dans le centre de Zagreb, rue Kamaufova, qui a abrité la famille du Béthel jusqu’en 1998.

En 1957, ils ont fait l’acquisition d’un bâtiment à Belgrade (Serbie), qui a servi de Salle du Royaume et de bureau pour le Béthel. Ensuite, ils ont acheté une étable à Ljubljana (Slovénie) et l’ont aménagée en Salle du Royaume. En 1963, à Sarajevo, ils ont transformé un garage en Salle du Royaume, qui a été utilisée par la première congrégation de Bosnie-Herzégovine. Certains de ces bâtiments nécessitaient de gros travaux. Mais les frères ont donné généreusement d’eux-​mêmes et de leurs ressources, et Jéhovah a béni leurs efforts.

UNE DISPOSITION QUI AFFERMIT LES FRÈRES

En 1960, des surveillants itinérants ont été chargés d’aider et de stimuler les congrégations. Des frères ont été invités à être surveillants de circonscription “ de week-end ”. Ces frères ont volontiers employé leurs jours de repos à se déplacer et à encourager leurs compagnons, favorisant ainsi l’unité en ces débuts.

“ Pendant environ un an, relate Henrik Kovačić, membre du Comité de la filiale de Croatie, j’ai été dans le service itinérant de week-end avec ma femme et, par la suite, itinérant à plein temps. Les conditions de vie des frères étant très mauvaises, nous logions souvent dans des habitations n’ayant ni eau courante ni toilettes avec chasse d’eau. Mais les frères étaient très reconnaissants de nos visites et manifestaient un amour et une hospitalité hors du commun. Ils nous laissaient régulièrement leur lit et nous offraient un repas, même s’ils n’avaient que très peu de moyens. Dans certaines congrégations, nous dormions dans un foyer différent chaque soir, pour ne pas être une charge. ”

“ Le service de surveillant de week-end a été une expérience extraordinaire, bien que difficile, témoigne Šandor Palfi, aujourd’hui membre du Comité de pays de la Serbie. Les frères attendaient notre venue avec impatience. Ils étaient pauvres, mais faisaient leur maximum afin de nous donner ce qu’ils avaient de meilleur. Pour eux, la visite du surveillant de circonscription était une grande occasion. ”

Miloš Knežević était surveillant de circonscription tout en assumant la direction de l’œuvre en Yougoslavie. Durant les décennies de régime communiste, frère Knežević a joué un rôle-clé pour ce qui est de résoudre de nombreuses affaires en justice menées contre nos frères.

DES PROGRÈS RÉJOUISSANTS EN MACÉDOINE

En 1968, un jeune Macédonien de Kočani a découvert la vérité alors qu’il faisait ses études à Zagreb. De retour chez lui, il a communiqué la bonne nouvelle à sa famille et à ses amis.

“ Ce jeune homme était mon cousin, raconte Stojan Bogatinov, le premier Témoin baptisé de Kočani. À l’époque, j’étais serveur, et il m’arrivait de parler religion avec mes collègues. Un jour, après une de nos discussions, un membre de l’Église orthodoxe est entré pour prendre un repas. Tandis que je le servais, je lui ai demandé si je pouvais me procurer une bible auprès de son Église, car je voulais vraiment apprendre à connaître Dieu. Il m’a dit qu’il essaierait de m’en apporter une. Quelques jours plus tard, j’avais mon propre exemplaire du ‘ Nouveau Testament ’. Fou de joie, j’ai couru chez moi, une fois ma journée finie, pour le lire.

“ En chemin, je suis tombé sur mon cousin, qui était de retour de Zagreb. Il m’a invité chez lui, mais je lui ai dit que je ne pouvais pas venir, que je me dépêchais de rentrer pour lire ma bible. ‘ J’ai quelque chose qui va t’intéresser, a-​t-​il répondu. À la maison, j’ai des livres qui vont t’aider à comprendre la Bible. ’ Nous sommes donc allés chez lui. À ma grande joie, il avait la Bible intégrale, ainsi que quelques brochures et Tour de Garde en croate. Il m’a proposé ces publications, et j’ai commencé à les lire sur-le-champ. J’ai tout de suite compris que leur message était important. Je ne connaissais pas les Témoins de Jéhovah, mais je souhaitais les rencontrer.

“ Quand mon cousin est retourné à Zagreb, je l’ai accompagné. J’ai été invité par Ivica Pavlaković, un Témoin hospitalier. Durant les trois jours que j’ai passés avec lui, je lui ai posé de nombreuses questions, auxquelles il a répondu avec la Bible ; j’étais très impressionné. J’ai assisté à une réunion de la congrégation, et l’ambiance chaleureuse qui y régnait m’a encouragé.

“ Ivica m’a amené au Béthel de Zagreb. J’en suis reparti le cœur joyeux et les bras chargés de publications. Après quelques jours inoubliables, je suis rentré à Kočani avec le trésor spirituel que j’avais trouvé. Comme aucun Témoin n’habitait à proximité, j’ai correspondu avec Ivica. Je truffais mes lettres de questions, et il m’envoyait les réponses. Ce que je découvrais, je le communiquais autour de moi, si bien que ma femme et mes enfants s’y sont intéressés. Nous n’avons pas tardé à être unis dans la vérité. Nous en apprenions beaucoup sur la Bible. Nous étions heureux. Nous nous sommes mis à parler avec zèle de la bonne nouvelle à nos proches et à nos amis, dont beaucoup nous écoutaient. Mais la prédication s’est accompagnée de persécutions. ”

RASSEMBLÉS DANS L’UNITÉ EN ALLEMAGNE

Même si nos frères de Yougoslavie n’étaient pas aussi isolés que ceux d’autres pays communistes, ils étaient peu nombreux et rêvaient de connaître l’amour de la famille internationale des frères. Par conséquent, lorsqu’ils ont appris qu’aurait lieu en 1969 l’assemblée internationale “ Paix sur la terre ”, ils ont cherché à obtenir du gouvernement l’autorisation de sortir du pays pour y assister. Imaginez leur joie lorsque cette autorisation leur a été accordée !

L’assemblée s’est tenue dans le grand stade de Nuremberg, où Hitler, qui avait menacé d’exterminer les Témoins de Jéhovah, avait fait défiler ses armées quelques décennies plus tôt. Le programme a été présenté en de nombreuses langues, et les délégués yougoslaves ont été ravis d’apprendre que des sessions dans leurs langues étaient prévues près du stade principal, dans une zone boisée. Une grande estrade séparait le terrain de sport en deux, de façon à ce que la moitié des délégués suive le programme en serbo-croate, et l’autre en slovène. Cette assemblée de huit jours a assurément affermi la connaissance et la foi des frères !

Des trains et des cars avaient été réservés pour transporter les délégués des quatre coins de la Yougoslavie en Allemagne. “ Enchantés d’être unis à nos frères et sœurs, raconte un frère qui avait voyagé depuis la Croatie, nous arborions fièrement aux fenêtres de notre wagon des pancartes annonçant l’assemblée. ”

Les frères ont été heureux de voir et d’entendre Nathan Knorr et Frederick Franz, du siège mondial. “ Nous avons eu du mal à contenir notre enthousiasme, se souvient un délégué, lorsqu’ils sont arrivés dans notre section du stade pour nous saluer. ” Les bénédictions que les frères yougoslaves ont reçues ont largement compensé les nombreux sacrifices qu’ils avaient faits pour être là. “ Le voyage jusqu’à l’assemblée m’a coûté deux mois de salaire, témoigne Milosija Simić, qui était venue de Serbie, et il m’a été difficile d’obtenir dix jours de congé. Je n’étais pas sûre de retrouver mon travail en rentrant, mais j’étais décidée à aller à l’assemblée. C’était incroyable ! Quand je repense à cet événement, 40 ans plus tard, j’en ai encore les larmes aux yeux. ” Après avoir goûté à l’unité de notre famille internationale en côtoyant des Témoins de toute la Yougoslavie, les frères sont rentrés chez eux fortifiés pour affronter les difficultés qui les attendaient.

LES PIONNIERS YOUGOSLAVES RÉPONDENT AU BESOIN

Les pionniers allemands venus au début des années 30 avaient fait beaucoup pour la propagation de la bonne nouvelle. À présent, étant donné l’accroissement, de plus en plus de Yougoslaves devenaient pionniers. Par exemple, la Slovénie a été en mesure d’envoyer des pionniers expérimentés dans des régions reculées de la Yougoslavie où il y avait du besoin. Ces prédicateurs courageux ont surmonté les obstacles que représentent l’apprentissage d’une langue et l’adaptation à une nouvelle culture.

“ Je suis arrivée à Priština, la plus grande ville du Kosovo, où l’on parle albanais et serbe, raconte Jolanda Kocjančič. Minka Karlovšek et moi ne connaissions aucune des deux langues, mais nous avons décidé de commencer à prêcher, et c’est ainsi que nous avons appris. À la première maison, nous sommes tombées sur le fils aîné d’une veuve d’origine tchèque. Dans un slovène mêlé de serbe, nous avons amorcé notre présentation en disant : ‘ Nous aimerions parler à votre maisonnée de la bonne nouvelle de la Bible. ’

“ ‘ Entrez ! a-​t-​il répondu. Ma mère vous attend. ’

“ Quand nous sommes entrées, la mère, Ružica, s’est précipitée vers nous. Deux semaines auparavant, elle avait demandé à Jéhovah de lui envoyer quelqu’un qui le lui fasse connaître. Sa sœur, Témoin de Jéhovah dans ce qui est aujourd’hui la République tchèque, lui avait suggéré à plusieurs reprises de prier Jéhovah pour qu’il l’aide. Ružica était convaincue que notre visite était la réponse à sa prière. Tandis qu’elle nous enseignait le serbe, nous lui enseignions la vérité biblique. Des étudiants qui logeaient chez elle se sont joints à l’étude. L’un d’eux nous a donné un dictionnaire albanais, ce qui nous a aidées à apprendre la langue. ”

Zoran Lalović, du Monténégro, était encore adolescent quand un pionnier de Zagreb (Croatie) lui a donné une bible. Cinq ans plus tard, en 1980, un pionnier spécial est venu de Serbie et a étudié avec lui. “ J’ai eu du mal à rompre avec mes copains de la discothèque, raconte Zoran, mais, une fois que j’y suis arrivé, j’ai vite progressé. Je me suis fait baptiser au bout de quelques mois, à Belgrade (Serbie). Juste après, on m’a demandé de faire un discours public, car les frères étaient très peu nombreux. Nous avons aussi commencé à tenir toutes les réunions à Podgorica. ”

BAPTÊMES DANS LES RIZIÈRES

“ Quand les gens étaient prêts pour le baptême, je les baptisais, relate Stojan Bogatinov, de Macédoine. Nous n’avions pas de baignoire à notre disposition et la rivière la plus proche était bien trop petite. Toutefois, il y avait dans notre région de nombreuses rizières, alimentées par des canaux. Certains étaient assez profonds et assez propres pour l’immersion. Je me souviens du premier baptême dans une rizière. Tandis que nous la traversions pour parvenir au canal, quelqu’un m’a lancé : ‘ Alors, Stojan, tu as trouvé des ouvriers ! ’

“ ‘ Oui, oui, ai-​je répondu, il y a du travail ! ’ Il ne se doutait pas que nous étions des ouvriers pour la moisson spirituelle qui était en cours en Macédoine. ”

Les frères macédoniens avaient peu de contacts avec le Béthel et ils avaient encore beaucoup à apprendre sur les procédures théocratiques. Stojan Stojmilov a commencé à assister aux réunions en Allemagne. À son retour en Macédoine, il a eu la joie de trouver des Témoins à Kočani. “ Quand j’ai dit aux frères comment se passaient les réunions en Allemagne, se rappelle-​t-​il, ils m’ont immédiatement demandé de diriger l’étude de La Tour de Garde et de prononcer un discours public. Je leur ai objecté que je n’étais pas encore baptisé, mais ils ont insisté, soutenant que j’étais le plus qualifié. J’ai donc accepté. Avec le temps, ma femme et moi avons progressé, et nous nous sommes fait baptiser, dans une rizière. ”

Veselin Iliev, aujourd’hui ancien à Kočani, explique : “ Nous en savions peu en matière d’organisation théocratique, mais notre amour de la vérité était fort. ” Jéhovah a veillé à ce que les choses soient rectifiées petit à petit. Par exemple, l’augmentation du nombre de publications en macédonien a grandement contribué aux progrès de la vérité et à l’affermissement des congrégations.

UNE PLUS GRANDE LIBERTÉ, UTILISÉE SAGEMENT

La Yougoslavie n’étant pas sous domination russe, ses habitants jouissaient de libertés qui n’existaient pas derrière le rideau de fer. À la fin des années 60, elle a été le premier pays communiste à supprimer les visas et à assouplir le contrôle de ses frontières. Maintenant plus libres de voyager, nos frères du nord du pays ont accepté de faire entrer des publications dans les pays frontaliers de l’Union soviétique, où la prédication était toujours interdite.

D’abord, ils ont fait venir les publications par camion depuis l’Allemagne. Ðuro Landić, membre du Comité de la filiale de Croatie, se souvient que sa maison a servi de dépôt jusqu’à la chute de l’Union soviétique. “ Nos voitures avaient des doubles fonds, ainsi que des compartiments secrets dans le tableau de bord, raconte Ðuro. Nous savions que, si nous nous faisions prendre, nous perdions nos voitures et risquions la prison. Mais nos frères étaient tellement joyeux quand ils recevaient les publications que cela en valait la peine. ”

Sœur Milosija Simić, qui, de Serbie, a livré des publications en Bulgarie, explique : “ Je ne savais jamais à qui je devais remettre les publications — on me donnait juste une adresse. Un jour, je suis descendue du bus et j’ai trouvé l’adresse, mais il n’y avait personne. J’ai fait le tour du pâté de maisons de manière à arriver d’un autre côté, et j’ai réessayé. Toujours personne. J’ai fait cela une dizaine de fois dans la journée, discrètement, pour ne pas éveiller de soupçons. Mais toujours sans succès. En fait, heureusement ! J’ai appris plus tard que ce n’était pas la bonne adresse.

“ J’avais vraiment peiné pour taper et recopier les publications. J’étais maintenant dans l’embarras : je ne pouvais pas les jeter ! J’ai décidé de les rapporter en Serbie, où elles seraient bien employées. Cependant, même si j’avais acheté un billet aller-retour, il me fallait encore un titre de transport pour me rendre à la gare de jonction. En général, les frères à qui je livrais les publications me donnaient l’argent nécessaire pour l’acheter. Nous faisions cela parce que je ne pouvais emporter dans le pays qu’une somme limitée. En m’approchant du guichet, j’ai prié pour que ce soit une femme qui me serve. Juste au moment où j’arrivais, l’homme qui était au guichet est parti et une femme a pris sa place. Je lui ai proposé de lui donner, en échange d’un billet, les vêtements dans lesquels étaient enveloppées les publications. Elle a accepté, et j’ai obtenu mon billet ! ”

Au début des années 80, les frères traduisaient des publications en albanais et en macédonien, et ils envoyaient les manuscrits au petit bureau de Belgrade. Là, à l’aide d’une machine à écrire et de carbones, Milosija produisait huit copies à la fois. La tâche était ardue, car le texte était écrit à la main et dans une langue qu’elle ne connaissait pas.

DE JEUNES FRÈRES PRENNENT FERMEMENT POSITION

Alors qu’officiellement nous jouissions de la liberté religieuse, le gouvernement voyait en notre position de neutralité une menace pour l’unité de la Yougoslavie. C’est pourquoi les frères ont rencontré de l’opposition. Durant la Seconde Guerre mondiale, beaucoup avaient prouvé leur fidélité jusqu’à la mort. Au cours des trois décennies suivantes, cependant, tous n’ont pas montré la même foi. Certains assistaient aux réunions chrétiennes et soutenaient l’œuvre du Royaume, mais, quand ils étaient convoqués pour le service militaire, ils trouvaient des excuses pour y participer.

Les jeunes frères qui gardaient leur neutralité étaient condamnés à des peines de prison allant jusqu’à dix ans. De plus, ils pouvaient être condamnés plusieurs fois avant leur 30anniversaire. Certains dont l’intégrité a ainsi été mise à l’épreuve et qui refusaient de transiger étaient très jeunes dans la vérité. Aujourd’hui, nombre d’entre eux assument des responsabilités et donnent l’exemple dans les congrégations.

UNE ASSEMBLÉE INTERNATIONALE ÉMOUVANTE

Les Témoins de Jéhovah de Yougoslavie n’avaient encore jamais eu la joie de tenir une assemblée internationale. Imaginez leur enthousiasme lorsque le Collège central a annoncé en 1991 qu’une des assemblées internationales ayant pour thème “ Amis de la liberté ” aurait lieu à Zagreb, en Croatie !

Toutefois, des problèmes se sont présentés. Depuis que la Croatie avait proclamé son indépendance, le spectre de la guerre menaçait. Serait-​il sage de tenir une assemblée ? La sécurité des délégués et des frères yougoslaves était primordiale. Après maintes prières et délibérations, les frères ont décidé de poursuivre les préparatifs.

Theodore Jaracz, membre du Collège central, est arrivé en Croatie plusieurs semaines avant l’assemblée pour aider à l’organisation. Toutes les autres manifestations publiques à Zagreb ayant été annulées, la population a concentré son attention sur ce qui allait se passer dans le stade Dinamo. À mesure que l’assemblée approchait, la situation du pays était de plus en plus instable. Chaque jour, nos frères évaluaient les risques et se reposaient la même question : faut-​il poursuivre les préparatifs ou annuler l’assemblée ? Ils n’ont cessé de prier Jéhovah de leur accorder sa direction. Aussi incroyable que cela puisse paraître, le climat politique s’est stabilisé, et ils ont pu tenir l’assemblée du 16 au 18 août 1991.

Le contraste ne pouvait être plus flagrant. Alors que les pays environnants étaient au bord d’un conflit armé, les Témoins de Jéhovah de Croatie accueillaient des centaines d’invités pour l’assemblée internationale “ Amis de la liberté divine * ”. Tandis que beaucoup de Croates prenaient la fuite, des frères et sœurs de 15 pays étaient rassemblés dans l’amour et la liberté. De grands groupes sont arrivés par voie aérienne des États-Unis, du Canada et d’autres pays occidentaux. L’aéroport de Zagreb ayant été fermé en raison de la situation militaire, les avions ont dû se poser à Ljubljana, en Slovénie. De là, les délégués se sont rendus à Zagreb en car. Le courage des frères de l’étranger a donné un témoignage remarquable à la population et leur présence a été une source d’encouragement inestimable pour les frères du pays. Le groupe le plus important — environ 3 000 délégués — venait d’Italie. On aurait dit que leur affection et leur exubérance avaient embrasé toute l’assemblée. — 1 Thess. 5:19.

La foi des frères a été particulièrement fortifiée par la visite de cinq membres du Collège central. Beaucoup se souviennent encore des discours stimulants de Carey Barber, de Lloyd Barry, de Milton Henschel, de Theodore Jaracz et de Lyman Swingle. Ces frères, qui avaient de longues années d’expérience, n’ont pas laissé l’agitation politique les décourager d’entrer dans le pays afin d’affermir leurs compagnons.

En raison des troubles, les autorités craignaient des affrontements ethniques entre les assistants des différentes régions de Yougoslavie. Quel soulagement pour elles de voir non seulement qu’ils étaient rassemblés dans la paix, mais encore qu’ils se manifestaient une chaleureuse affection fraternelle ! Le nombre de policiers présents a diminué de jour en jour.

Cette assemblée inoubliable a prouvé que les Témoins de Jéhovah sont réellement une famille internationale. En y repensant, les frères seraient incités à maintenir leur unité durant les épreuves à venir. Les cars qui ramenaient chez eux ceux de Serbie et de Macédoine ont été parmi les derniers véhicules à franchir le poste de contrôle entre la Croatie et la Serbie. Une fois les frères en sécurité de l’autre côté de la frontière, celle-ci a été fermée. De l’avis de beaucoup, c’est à ce moment-​là que la guerre a commencé.

Dans les mois et les années postérieurs, les républiques qui formaient la Yougoslavie sont devenues des pays indépendants, avec leur propre gouvernement. Les soulèvements qui ont suivi ont coûté la vie à des dizaines de milliers de personnes et causé des souffrances inouïes. Qu’est-​il advenu de nos frères en cette période troublée ? Comment Jéhovah a-​t-​il béni l’œuvre du Royaume dans ces pays désormais indépendants ? Voyons-​le à présent.

Histoire moderne de la Bosnie-Herzégovine

“ Le 16 mai 1992, nous étions regroupés à 13 dans un appartement tandis que Sarajevo était pilonnée. Deux obus ont touché le bâtiment où nous nous étions réfugiés. Bien que d’origines croate, serbe et bosniaque — les trois mêmes ethnies qui s’entretuaient dehors —, nous étions unis dans le culte pur. Au petit matin, quand les bombardements se sont atténués, nous avons quitté l’appartement pour nous mettre en lieu sûr. Comme la veille, nous avons crié vers Jéhovah et il nous a entendus. ” — Halim Curi.

Sarajevo, dont la population s’élevait à plus de 400 000, était en proie à l’un des sièges les plus longs et les plus épouvantables de l’histoire moderne. Comment nos frères et sœurs spirituels allaient-​ils survivre au milieu des conflits ethniques et religieux qui mettaient le pays à feu et à sang ? Avant de le découvrir, faisons plus ample connaissance avec la Bosnie-Herzégovine.

La Bosnie-Herzégovine se situe au cœur de l’ex-Yougoslavie, entourée par la Croatie, la Serbie et le Monténégro. Les liens culturels et familiaux y sont forts, et l’hospitalité occupe une place prépondérante. Un passe-temps populaire consiste à boire un café turc chez un voisin ou à s’attarder dans un kafići (café). Bien qu’on ne puisse les différencier physiquement, les habitants de la Bosnie appartiennent à trois ethnies : les Bosniaques, les Serbes et les Croates. Beaucoup d’entre eux ne se considèrent pas comme très pieux. Pourtant, c’est la religion qui a divisé ces peuples. Généralement, les Bosniaques sont musulmans, les Serbes appartiennent à l’Église orthodoxe serbe et les Croates à l’Église catholique.

La montée alarmante de l’intolérance religieuse et de la haine ethnique au début des années 90 a eu pour conséquence la politique cruelle que l’on a dénommée purification ethnique. Dans leur progression, les armées ont expulsé des civils — autant dans les petits villages que dans les grandes villes — afin de créer des zones ethniques pures pour leur propre groupe religieux. Cette situation a mis à l’épreuve la neutralité de nos frères et sœurs. En Bosnie, comme dans les autres pays de l’ex-Yougoslavie, la majorité des gens sont de la même religion que leurs parents. De plus, le nom de famille permet souvent de reconnaître l’appartenance religieuse. Quelqu’un de sincère qui devient un serviteur de Jéhovah peut être considéré comme un traître à sa famille et à la tradition. Néanmoins, nos frères ont appris que la fidélité à Jéhovah est une protection.

LE SIÈGE DE SARAJEVO

Comme nous l’avons vu, les frères yougoslaves ont été profondément touchés par l’amour et l’unité qui régnaient à l’assemblée “ Amis de la liberté divine ” tenue en 1991 à Zagreb (Croatie). Ce rassemblement inoubliable les a fortifiés en vue des épreuves pénibles qui les attendaient. Alors que Bosniaques, Serbes et Croates cohabitaient pacifiquement à Sarajevo, du jour au lendemain une armée a encerclé la ville et les a tous pris au piège, nos frères y compris. Même si le climat politique était tumultueux, personne n’imaginait que le conflit durerait.

“ Les gens meurent de faim, a rapporté Halim Curi, ancien à Sarajevo. Chaque mois, ils ont droit seulement à quelques livres de farine, à 100 grammes de sucre et à un demi-litre d’huile. Ils cultivent des légumes sur le moindre bout de terrain. Ils abattent les arbres en pleine ville pour avoir du bois de chauffe. Lorsqu’il n’y en a plus, ils se servent du parquet de leurs appartements comme de combustible pour la cuisine et le chauffage. Ils brûlent tout ce qu’ils peuvent, même de vieilles chaussures. ”

Quand Sarajevo a été investie, Ljiljana et Nenad Ninković se sont retrouvés piégés et séparés de leurs deux filles. “ Nous étions une famille normale : nous avions deux enfants, vivions en appartement et avions une voiture, raconte Ljiljana. Et soudain, tout a basculé. ”

Cependant, à maintes reprises, ils ont ressenti la main protectrice de Jéhovah. “ Deux fois, notre appartement a été bombardé quelques minutes après que nous sommes sortis, poursuit Ljiljana. Malgré les difficultés, nous nous réjouissions de choses simples. Par exemple, nous étions contents d’aller au parc cueillir des feuilles de pissenlit pour pouvoir agrémenter notre riz blanc d’une salade. Nous avons appris à nous contenter de ce que nous avions et à ne rien banaliser. ”

RAVITAILLEMENT PHYSIQUE ET SPIRITUEL

Un problème majeur était de trouver de l’eau. Dans les maisons, l’eau courante était rare. Pour s’approvisionner, il fallait marcher cinq kilomètres et traverser des zones prises pour cibles par des tireurs isolés. Au point de distribution, il fallait faire la queue pendant des heures pour remplir ses bidons, puis rentrer péniblement avec son lourd fardeau.

“ L’épreuve se présentait quand on nous informait que les maisons seraient momentanément réalimentées en eau, relate Halim. Tout le monde devrait alors se doucher, faire sa lessive et stocker de l’eau dans autant de récipients que possible. Mais si ce moment tant attendu coïncidait avec l’heure de la réunion ? Il nous faudrait décider soit d’aller à la réunion, soit de rester pour faire nos réserves. ”

Même si les provisions physiques étaient nécessaires, les frères reconnaissaient toute l’importance des dispositions spirituelles. Aux réunions, non seulement ils recevaient de la nourriture spirituelle, mais encore ils apprenaient qui était emprisonné, qui était blessé ou même qui avait été tué. “ Nous étions une famille, témoigne Milutin Pajić, un ancien. Quand nous nous retrouvions pour les réunions, nous ne voulions plus nous quitter. La plupart du temps, nous restions des heures à discuter de la vérité. ”

Le quotidien était dur et les frères craignaient souvent pour leur vie. Toutefois, ils mettaient les intérêts spirituels en premier. Alors que le pays était déchiré par la guerre, les serviteurs de Jéhovah se rapprochaient de plus en plus les uns des autres et de leur Père céleste. En observant la fidélité de leurs parents, les enfants ont acquis à leur tour une fidélité inébranlable à Jéhovah.

La ville de Bihać, près de la frontière croate, est restée isolée pendant presque quatre ans. Ses habitants ne pouvaient en sortir et les secours ne pouvaient y entrer. Osman Šaćirbegović, le seul frère de la ville, rapporte : “ C’est au début de la guerre que ça a été le plus pénible, non pas tant à cause de la difficulté de la situation que de sa nouveauté : nous n’avions jamais vécu cela. Bizarrement, quand les bombardements ont commencé, la tension s’est calmée, parce que nous nous sommes vite aperçus que toutes les grenades ne tuent pas. Certaines n’explosent même pas. ”

Comme personne ne pouvait prévoir combien de temps dureraient les affrontements, les Béthels de Zagreb (Croatie) et de Vienne (Autriche) ont pris des dispositions pour que des secours soient entreposés dans des Salles du Royaume et chez des frères à Sarajevo, à Zenica, à Tuzla, à Mostar, à Travnik et à Bihać. Au fur et à mesure des combats, des villes ont été prises d’assaut et bloquées. Comme les voies de ravitaillement ont subitement été coupées, les provisions sont vite arrivées à épuisement. Mais, même si diverses villes bosniaques étaient coupées du reste du monde, les Témoins de Jéhovah jouissaient d’une unité fraternelle sans faille. Quel contraste avec la haine ethnique et religieuse qui embrasait le pays !

ZÉLÉS MAIS PRUDENTS

Outre qu’il n’était pas facile de pourvoir à ses besoins quotidiens, il y avait le danger venant des tireurs embusqués autour de Sarajevo, qui fauchaient des innocents au hasard. Les mortiers continuaient de faire pleuvoir leurs obus mortels. Parfois, il était risqué de circuler à l’intérieur des villes assiégées. Les gens vivaient la peur au ventre. Pourtant, dosant sagesse et courage, nos frères n’ont pas cessé de communiquer la bonne nouvelle du Royaume aux personnes assoiffées de réconfort.

“ Au cours d’un des bombardements les plus effroyables de Sarajevo, relate un ancien, des milliers d’obus ont explosé en un seul jour. C’était un samedi. Le matin, les frères ont téléphoné aux anciens pour savoir où aurait lieu la réunion pour la prédication. ”

“ Je voyais que les gens avaient désespérément besoin de la vérité, dit une sœur. C’est précisément ce qui m’a aidée non seulement à endurer, mais encore à être joyeuse dans des circonstances pénibles. ”

Nombre de Sarajéviens se sont rendu compte qu’ils avaient besoin de l’espérance que donne la Bible. “ Nous n’avons pas à chercher les gens : ce sont eux qui nous cherchent pour obtenir une aide spirituelle, a déclaré un frère. Ils viennent à la Salle du Royaume et demandent une étude. ”

Le succès de la prédication pendant la guerre était principalement dû à l’unité entre les frères, unité qui ne passait pas inaperçue. “ Cela donnait un témoignage formidable, fait observer Nada Bešker, pionnière spéciale depuis de longues années. Beaucoup voyaient des frères bosniaques et des frères serbes prêcher ensemble. Et quand ils voyaient une sœur croate et une ancienne musulmane étudier avec une Serbe, ils ne pouvaient que constater notre différence. ”

Le fruit de l’activité zélée des frères est encore visible aujourd’hui, car plus d’un serviteur de Jéhovah a connu la vérité durant la guerre. Par exemple, la taille de la congrégation de Banja Luka a doublé, bien qu’une centaine de proclamateurs aient rejoint d’autres congrégations.

UNE FAMILLE FIDÈLE

Nos frères étaient toujours très prudents. Il n’empêche que “ temps et événement imprévisible ” sont arrivés à certains, qui n’ont pu éviter de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment (Eccl. 9:11, note). Božo Ðorem, d’origine serbe, s’est fait baptiser à l’assemblée internationale de Zagreb en 1991. De retour à Sarajevo, il a été emprisonné plusieurs fois et cruellement battu pour sa neutralité. En 1994, il a été condamné à 14 mois de réclusion. Le plus dur pour lui a été d’être séparé de sa femme, Hena, et de leur fille de cinq ans, Magdalena.

Peu après sa sortie de prison, le malheur a frappé. Par un calme après-midi, ils allaient ensemble diriger une étude biblique près de chez eux quand, soudain, le silence a été brisé par l’explosion d’un obus. Hena et Magdalena ont été tuées sur le coup, et Božo est mort plus tard à l’hôpital.

LA NEUTRALITÉ CHRÉTIENNE

Les préjugés étant exacerbés, il n’y avait guère de tolérance pour la neutralité. À Banja Luka, la congrégation était constituée principalement de jeunes frères, que l’armée voulait recruter. Comme ils restaient neutres, ils ont été battus.

“ La police nous soumettait souvent à des interrogatoires, se souvient Osman Šaćirbegović, et nous traitait de lâches qui ne défendaient pas leurs familles. ”

Osman raisonnait ainsi avec les policiers : “ Votre fusil est une protection pour vous, n’est-​ce pas ?

— Évidemment.

— L’échangeriez-​vous contre un canon pour être mieux protégé ?

— Oui.

— Et échangeriez-​vous un canon contre un char ?

— Bien sûr.

— Tout cela, vous le feriez pour obtenir une protection plus efficace. Ma protection me vient de Jéhovah, le Dieu tout-puissant, le Créateur de l’univers. Existe-​t-​il une meilleure protection que celle-là ? ” Le message était clair et les policiers le laissaient tranquille.

L’AIDE HUMANITAIRE ARRIVE

Les frères des pays limitrophes savaient bien que les Témoins de Bosnie souffraient, mais, pendant un temps, il n’a pas été possible de leur prêter assistance. Puis, en octobre 1993, les autorités ont fait savoir que des secours pourraient être envoyés. Malgré le danger, nos frères ont décidé de profiter de cette occasion. Le 26 octobre, cinq camions chargés au total de 16 tonnes de nourriture et de bois de chauffage sont partis de Vienne (Autriche) pour la Bosnie. Comment le convoi allait-​il traverser les nombreuses zones où les combats faisaient toujours rage * ?

À certains endroits du parcours, le danger était particulièrement grand. “ Un matin que j’étais parti tard, se rappelle un des chauffeurs, je me suis retrouvé derrière d’autres camions d’aide humanitaire. Tandis que j’arrivais à un des postes de contrôle, où tous les camions s’arrêtaient pour que la police vérifie leurs papiers, j’ai tout d’un coup entendu des tirs. Un chauffeur non Témoin avait été touché. ”

Seuls les chauffeurs ont pu pénétrer dans Sarajevo avec leurs camions. Les frères qui les accompagnaient ont dû attendre à l’extérieur de la ville. Dans leur désir de soutenir leurs compagnons, ils ont trouvé un téléphone, ont joint les proclamateurs de Sarajevo et ont prononcé un discours d’encouragement tout à fait opportun. À maintes reprises durant la guerre, des surveillants itinérants, des Béthélites et des membres du Comité du pays ont risqué leur vie pour aider leurs frères à survivre physiquement et spirituellement.

Pendant près de quatre ans, aucun envoi n’a pu parvenir aux frères de Bihać. Même si la nourriture physique ne franchissait pas les barricades, nos frères ont pu se procurer de la nourriture spirituelle. Comment ? Ils ont obtenu un accès à une ligne téléphonique et à un fax, qui leur ont permis de recevoir régulièrement Le ministère du Royaume et La Tour de Garde. Ils les tapaient à la machine et les distribuaient à raison d’un exemplaire par famille. Au début de la guerre, la ville ne comptait qu’un petit groupe de trois proclamateurs baptisés. Les 12 proclamateurs non baptisés qui servaient Jéhovah à leurs côtés ont attendu deux ans qu’une occasion se présente pour symboliser l’offrande de leur personne à Jéhovah.

Toutes ces années d’isolement ont été difficiles. “ Les personnes avec qui j’étudiais la Bible ne savaient pas ce qu’étaient une assemblée ou la visite du surveillant de circonscription, relate Osman. Nous parlions souvent du jour où nous pourrions profiter de la compagnie des frères. ”

Imaginez leur joie quand, le 11 août 1995, deux véhicules arborant courageusement les mots : “ Témoins de Jéhovah — Secours ” sont entrés dans Bihać. C’étaient les premiers véhicules privés à apporter une aide humanitaire depuis le début du siège ! Ils sont arrivés juste au moment où les frères se sentaient au bord de l’épuisement physique et moral.

À Bihać, les voisins des frères remarquaient leur entraide, par exemple pour ce qui était de réparer les vitres cassées. “ Mes voisins étaient impressionnés, dit Osman, parce qu’ils savaient que nous n’avions pas d’argent. Cela a donné un témoignage remarquable. Ils en parlent encore. ” Aujourd’hui, la congrégation dynamique de Bihać comprend 34 proclamateurs et 5 pionniers.

UN VOYAGE INOUBLIABLE !

Plusieurs fois, nos frères ont risqué leur vie pour faire entrer de la nourriture et des publications dans les villes ravagées de Bosnie. Mais le voyage du 7 juin 1994 allait être vraiment particulier. Ce jour-​là, aux aurores, un convoi de trois camions transportant des membres du Comité du pays ainsi que d’autres frères a quitté Zagreb (Croatie). Leur but était de livrer des secours et de présenter un programme condensé de l’assemblée spéciale d’un jour, la première depuis trois ans !

Un des lieux choisis pour ce programme spécial était la ville de Tuzla. Au début de la guerre, la congrégation de Tuzla était constituée d’une vingtaine de proclamateurs baptisés. Quelle surprise de voir plus de 200 personnes assister au programme ! Trente se sont fait baptiser. Il y a maintenant à Tuzla trois congrégations, qui totalisent plus de 300 proclamateurs.

À Zenica, les frères ont trouvé un lieu de réunion approprié, mais ils n’avaient pas de bassin convenable pour les baptêmes. Finalement, après de multiples recherches, une solution s’est présentée : un tonneau. Le seul problème était l’odeur, car le tonneau avait contenu du poisson ! Néanmoins, ayant accepté l’invitation de Jésus à devenir “ pêcheurs d’hommes ”, les candidats au baptême ne se sont pas laissé décourager (Mat. 4:19). Herbert Frenzel, actuellement membre du Comité de la filiale de Croatie, a prononcé le discours de baptême. “ Les candidats avaient attendu tellement longtemps pour se faire baptiser, explique-​t-​il, que rien n’allait les arrêter ! Après leur immersion, ils ont eu un sentiment de victoire ! ” Il y a aujourd’hui à Zenica une congrégation zélée de 68 proclamateurs.

À Sarajevo, le programme n’a pu être présenté qu’à proximité d’un carrefour pris pour cible par des tireurs. Une fois arrivés sains et saufs à l’assemblée, les frères ont dû trouver non seulement un endroit pour les baptêmes, mais aussi un moyen d’économiser l’eau. Afin qu’il y en ait assez pour l’immersion de tous les candidats, on leur a demandé de faire la queue par ordre de taille, et ils ont été baptisés du plus petit au plus grand !

Nos frères et sœurs ont passé des moments merveilleux ce jour-​là ! Les événements terrifiants qui se déroulaient autour d’eux n’ont pas éclipsé leur joie d’adorer Dieu ensemble. Sarajevo compte à présent trois congrégations florissantes.

APRÈS LA TEMPÊTE

La réouverture des voies de ravitaillement a facilité la vie des frères à certains égards. Cependant, la purification ethnique s’est poursuivie, et avec elle les expulsions. Ivica Arabadžić, un ancien de Croatie qui habitait Banja Luka, a été chassé de chez lui. “ Un homme armé est venu et nous a ordonné de partir, prétextant que cette maison était désormais la sienne, se souvient Ivica. On l’avait contraint à quitter Šibenik, en Croatie, parce qu’il était Serbe. Aujourd’hui, il considérait que c’était à nous de partir. Un policier de l’armée avec qui j’étudiais est intervenu en notre faveur. Nous n’avons pas pu garder notre maison, mais nous avons pu l’échanger contre celle du Serbe. Il nous a été difficile de laisser notre chez-​nous et la congrégation qui nous avait aidés à connaître la vérité, mais nous n’avions guère le choix. Avec très peu de bagages, nous sommes allés nous installer dans notre ‘ nouvelle ’ maison, en Croatie. Toutefois, quand nous sommes arrivés à Šibenik, quelqu’un avait déjà emménagé dans la maison vide qui nous appartenait maintenant. Que pouvions-​nous faire ? Nos frères nous ont immédiatement fait bon accueil. Un ancien nous a prêté son logement pendant un an, jusqu’à ce que notre problème soit résolu. ”

L’instabilité politique n’a pas disparu en Bosnie-Herzégovine. Mais la vérité prospère dans ce pays, où près de 40 % de la population est musulmane. Depuis la fin de la guerre, nos frères ont entrepris la construction de Salles du Royaume. Celle de Banja Luka a fait plus que combler un cruel besoin : elle représente une victoire juridique. Pendant des années, nos frères avaient essayé d’obtenir un permis de construire dans cette région où l’Église orthodoxe serbe est influente. Après la guerre, même si les Témoins de Bosnie avaient été reconnus légalement, le permis de construire pour la salle de Banja Luka leur avait été refusé. Finalement, à force de prières et d’efforts diligents, ils ont obtenu les documents nécessaires. Cette victoire fait jurisprudence pour de futures Salles du Royaume dans cette partie de la Bosnie-Herzégovine.

La liberté de culte a permis à 32 pionniers spéciaux, dont beaucoup viennent de l’étranger, d’apporter leur concours dans des régions où il y a peu de proclamateurs. Leur zèle pour le ministère et leur fidélité aux procédures théocratiques se sont révélés une véritable bénédiction.

Sarajevo, où nos frères essuyaient quotidiennement le feu des tireurs il y a encore dix ans, accueille à présent dans la paix des assemblées regroupant des frères et sœurs de toute l’ex-Yougoslavie. Alors que les guerres du siècle dernier ont secoué ce magnifique pays de montagnes, les serviteurs de Jéhovah n’ont cessé de se rapprocher les uns des autres, se manifestant une “ affection fraternelle sans hypocrisie ”. (1 Pierre 1:22.) Actuellement, les 1 163 proclamateurs des 16 congrégations de Bosnie-Herzégovine louent à l’unisson le vrai Dieu, Jéhovah.

Histoire moderne de la Croatie

Après l’assemblée internationale de Zagreb, en 1991, la frontière entre la Croatie et la Serbie a brusquement été fermée. Les axes routiers et les ponts ont été détruits ou barricadés par l’armée. Dès lors, beaucoup de délégués de l’est de la Croatie n’ont pas pu retourner chez eux. Nombre de Témoins d’autres parties du pays ont manifesté leur amour fraternel en hébergeant leurs frères, bien qu’ayant de faibles moyens.

À Zagreb, les hurlements des sirènes avertissaient jour et nuit des bombardements. La population courait alors aux abris. Certains y restaient des semaines, voire des mois. Étant donné que le sous-sol du Béthel offrait un refuge sûr, la municipalité l’a déclaré abri antiaérien. Cela a créé d’excellentes occasions de témoignage. Les personnes qui venaient s’y protéger y trouvaient davantage qu’un abri physique. Un jour, au retentissement des sirènes, des gens sont sortis d’un tramway et se sont précipités, comme d’habitude, au sous-sol du Béthel. Tandis que tous étaient dans une attente anxieuse, un ancien qui était Béthélite leur a demandé s’ils aimeraient voir des diapositives de l’assemblée internationale qui avait eu lieu à Zagreb quelques mois auparavant. Ils ont accepté. À la fin, ils ont fait savoir au frère que sa présentation leur avait plu.

À cause des combats, il était vraiment difficile d’aller aux réunions et, malheureusement, des Salles du Royaume étaient endommagées par des balles ou des grenades. Mais les frères appréciaient plus que jamais la nourriture spirituelle ; ils ‘ n’abandonnaient pas leur assemblée ’. (Héb. 10:25.) Par exemple, des roquettes sont tombées sur Šibenik pendant six mois, empêchant les frères de se réunir dans leur salle. “ Comme j’habitais à l’extérieur de la ville, explique un des anciens, nous nous réunissions chez moi pour l’étude de livre et l’étude de La Tour de Garde. Malgré les circonstances défavorables, nous n’avons pas ralenti notre ministère. Nous prêchions ici et dans les villages avoisinants. Tout le monde nous identifiait à des Témoins de Jéhovah, car nous étions différents. ”

L’AMOUR FRATERNEL EN TEMPS DE GUERRE

Nombre de frères qui avaient perdu leur maison ont trouvé refuge chez leurs compagnons. De plus, les congrégations ont volontiers fait tout le nécessaire pour les aider. Ainsi, à la Salle du Royaume d’Osijek, les frères ont accueilli chaleureusement une famille qui venait de fuir Tuzla, en Bosnie, dans des conditions éprouvantes. À leur grande joie, un de ses membres était leur sœur spirituelle.

Les autorités ont permis à cette famille d’emménager dans une maison, mais celle-ci était vieille et délabrée. En voyant son état lamentable, les frères se sont mobilisés : l’un a apporté une cuisinière, un autre une fenêtre, d’autres encore une porte et un lit. Certains ont acheté des matériaux de construction, et d’autres ont offert de la nourriture et du bois de chauffage. Le lendemain, une des pièces était déjà habitable. Mais la maison n’était toujours pas équipée pour abriter la famille tout l’hiver. La congrégation a donc dressé la liste de toutes les fournitures nécessaires et différents proclamateurs ont donné ce qu’ils pouvaient. Bien qu’eux-​mêmes pauvres, ils ont réuni tout ce qui était demandé, des petites cuillères aux matériaux pour la toiture.

La guerre se poursuivant, les stocks de nourriture se sont vite épuisés. Les frères de la filiale se sont démenés afin de pourvoir aux besoins tant physiques que spirituels de leurs compagnons. En collaboration avec le Collège central, ils ont organisé des collectes de nourriture, de vêtements, de chaussures et de fournitures médicales. Au début, l’aide est venue principalement des frères du pays, mais leurs propres difficultés limitaient leur capacité d’action. Puis les frères d’Allemagne, d’Autriche, d’Italie et de Suisse ont fourni généreusement des vêtements et des articles médicaux, ainsi que des publications. Les camions arrivaient jour et nuit, conduits par des volontaires qui faisaient passer les besoins de leurs frères croates avant leur propre sécurité. Depuis l’entrepôt central, à Zagreb, les colis étaient acheminés vers les congrégations nécessiteuses.

Les frères de Croatie avaient reçu de l’aide, mais comment allaient-​ils maintenant secourir ceux de Bosnie ? Des camions chargés au total de 16 tonnes de nourriture et de bois de chauffage ont pris le chemin de la frontière croate. Le déplacement était risqué, car on entendait souvent parler d’opérations militaires clandestines. Une rencontre avec des groupes armés signifierait la perte de l’aide humanitaire et la mort de ceux qui la transportaient.

“ Nous avons traversé des bois, raconte un frère, franchi l’un après l’autre les postes de contrôle et, par moments, longé des lignes de front. Malgré le danger, nous sommes arrivés sains et saufs à Travnik, en Bosnie. Un soldat qui avait appris notre arrivée a couru vers une maison où nos frères étaient réunis. ‘ Vos amis sont là avec leurs camions ! ’ a-​t-​il crié. Vous pouvez imaginer leur joie. Nous avons déchargé de la nourriture, échangé quelques mots, puis nous avons dû repartir sans tarder. Nous avions d’autres arrêts à faire. ”

Beaucoup de frères ont envoyé au Béthel de Zagreb des lettres de remerciement. “ Merci infiniment de tout le dur travail que vous accomplissez pour que nous ayons régulièrement toute la nourriture spirituelle, a écrit une congrégation. Et merci pour les secours que nous avons reçus. Les frères en ont vraiment besoin. Merci du fond du cœur pour tous vos efforts et votre sollicitude pleine d’amour. ”

“ Plusieurs de nos frères sont des réfugiés, disait une autre lettre, et certains n’ont aucun revenu. Quand ils ont vu les secours arriver, et en quantité, ils en ont eu les larmes aux yeux. La sollicitude, la générosité et l’abnégation de leurs frères les ont profondément impressionnés et encouragés. ”

En cette période éprouvante, des efforts particuliers ont été réalisés pour fournir aux frères une nourriture spirituelle fortifiante. De toute évidence, l’esprit de Jéhovah les a aussi grandement aidés, non seulement à endurer ces événements traumatisants, mais encore à s’affermir spirituellement. — Jacq. 1:2-4.

UN MESSAGE D’ESPOIR RÉCONFORTANT

Les organisations humanitaires apportaient autant de secours matériels que possible, mais seuls les Témoins de Jéhovah fournissaient une aide qui procurait un soulagement durable. Au lieu d’attendre passivement la fin des hostilités, ils ont fait leur maximum pour communiquer la bonne nouvelle du Royaume à leur prochain.

Vukovar, près de la frontière serbe, est une des villes qui ont subi les pires dévastations. Presque toute sa population, dont nos frères, a dû fuir. Une sœur nommée Marija, quant à elle, n’est pas partie. Bien que coupée des frères pendant quatre ans, elle a continué à prêcher avec zèle aux quelques habitants restés sur place. Et son zèle a été abondamment béni ! Imaginez la surprise des frères croates lorsqu’ils ont vu un groupe de 20 personnes de Vukovar assister à l’assemblée de district de 1996 !

Notre message d’espoir a également le pouvoir de transformer des vies. Au début de la guerre, un jeune soldat avait rapidement gravi les échelons au sein d’un corps d’élite de l’armée croate. En 1994, alors qu’il attendait le train, il a reçu le tract Qui domine vraiment le monde ? Il l’a lu avec empressement et y a appris que c’est Satan, et non Jéhovah Dieu, qui est responsable de la violence entre les hommes. Cette vérité a fait très forte impression sur lui. Une des raisons pour lesquelles il s’était engagé comme soldat était de venger le meurtre de sa petite sœur de 19 ans et de deux autres de ses proches, tués durant la guerre. Il avait prévu de se rendre dans le village des meurtriers, mais le tract l’a fait réfléchir. Il s’est mis à étudier la Bible. En 1997, après plusieurs années de travail sur sa personnalité, il s’est fait baptiser. Il a bien fini par se rendre dans le village des assassins de sa famille. Cependant, au lieu de se venger, il a communiqué avec plaisir la bonne nouvelle du Royaume à ceux qui avaient besoin d’entendre parler de la miséricorde de Dieu.

Le zèle des proclamateurs pour le ministère, même au cœur des combats les plus âpres, a produit en Croatie un accroissement exaltant. Du début à la fin de la guerre (soit de 1991 à 1995), le nombre des pionniers a augmenté de 132 %, celui des études bibliques de 63 % et celui des proclamateurs de 35 %. Oui, les frères croates ont annoncé courageusement la Parole de Dieu et Jéhovah a récompensé amplement leurs efforts.

DES PRÉDICATEURS PLEINS D’ABNÉGATION

Peu avant l’assemblée internationale, en 1991, sont arrivés Daniel et Helen Nizan, du Canada — les premiers missionnaires formés à Guiléad à entrer dans le pays. Par ailleurs, des couples d’autres pays d’Europe qui avaient appris la langue ont été invités à se rendre en Croatie.

Par exemple, en 1991, on a demandé à Heinz et Elke Polach, originaires d’Autriche et pionniers spéciaux dans le territoire de prédication yougoslave du Danemark, de partir en Croatie. La guerre a éclaté juste au moment où ils commençaient le service itinérant. Leur première circonscription comprenait la côte dalmate et des parties de la Bosnie, régions touchées par le conflit. “ Notre service en Bosnie pendant la guerre a été très difficile, confie Heinz. Pour des raisons de sécurité, nous ne pouvions pas utiliser notre véhicule personnel. Par conséquent, nous dépendions des cars, qui n’étaient pas fiables. Nous ne pouvions emporter que quelques valises et une machine à écrire.

“ Il fallait être dégourdi. Un jour, sur le trajet Tuzla-Zenica, des soldats ont arrêté notre car. Ils nous ont dit qu’il était trop dangereux de continuer. Tout le monde est descendu. Mais nous savions que nos frères de Zenica nous attendaient. Nous avons donc demandé si quelqu’un pouvait nous y amener. Finalement, un convoi de camions-citernes qui avait un laissez-passer a bien voulu nous transporter. En chemin, nous avons prêché au chauffeur, qui s’est montré très attentif.

“ De nouveau, nous avons été obligés de nous arrêter à cause des combats. Nous avons dû emprunter de petites routes. Elles étaient en piteux état et la neige n’arrangeait rien. Plus d’une fois, il nous a fallu prêter assistance à des camions bloqués. À un moment donné, nous nous sommes retrouvés sous le feu des combattants et avons dû fuir la région. Nous sommes arrivés jusqu’à Vareš, à une cinquantaine de kilomètres de notre destination, où nous avons été contraints de stationner pour la nuit.

“ Le chauffeur dormait allongé sur les sièges, tandis qu’Elke et moi étions blottis l’un contre l’autre à l’arrière de la cabine pour tenter de nous tenir chaud. Cette nuit-​là a été la plus longue de ma vie. Toutefois, le lendemain, lorsque nous sommes enfin arrivés à Zenica, les frères étaient tellement heureux de nous voir ! Cela valait la peine de prendre des risques ! Même s’ils n’avaient ni eau courante ni électricité, ils ont fait tout leur possible pour nous offrir l’hospitalité. Bien que pauvres matériellement, ils étaient riches spirituellement et ont montré un amour immense pour la vérité. ”

Depuis la fin de la guerre, près de 50 pionniers spéciaux venant d’Allemagne, d’Autriche, d’Italie et d’autres pays ont été affectés en Croatie. Plus récemment, l’organisation de Jéhovah y a envoyé des missionnaires pour continuer de fortifier et d’encourager les frères. Ces serviteurs à plein temps zélés ont été d’une grande aide, autant dans le territoire que dans les congrégations.

“ JE N’ARRIVE PAS À CROIRE QUE J’AI VÉCU ASSEZ LONGTEMPS POUR VOIR ÇA ! ”

Jusqu’à la fin des années 80, c’étaient des frères vivant à l’extérieur du Béthel qui traduisaient une édition mensuelle de La Tour de Garde de l’allemand en croate, mais depuis 1991, ce travail est effectué au Béthel. Avec le temps, le Collège central a donné son feu vert pour la traduction des Écritures grecques chrétiennes — Traduction du monde nouveau. Les frères utilisaient jusqu’alors une version vieille de 150 ans, écrite dans un langage archaïque et contenant des expressions peu courantes. L’équipe croate est allée de l’avant et a collaboré étroitement avec les équipes serbe et macédonienne. Toutes ont tiré profit du travail et des idées les unes des autres.

Les Témoins de Jéhovah de Croatie, ainsi que de Bosnie-Herzégovine, du Monténégro, de Serbie et de Macédoine, n’oublieront jamais la date du vendredi 23 juillet 1999. Aux quatre assemblées de district “ La parole prophétique de Dieu ”, on a annoncé la parution simultanée des Écritures grecques chrétiennes — Traduction du monde nouveau en croate et en serbe, et on a informé l’auditoire que la traduction en macédonien était bien avancée. Pendant plusieurs minutes, les applaudissements ininterrompus ont empêché les orateurs de poursuivre. La joie des assistants était sans bornes. Beaucoup n’ont pu retenir leurs larmes. “ Je n’arrive pas à croire que j’ai vécu assez longtemps pour voir ça ! ” s’est exclamé un ancien de longue date. La Bible intégrale est parue dans chacune de ces trois langues en 2006.

Jusqu’en 1996, un comité de pays s’occupait des activités des Témoins de Jéhovah en Croatie et en Bosnie-Herzégovine, sous la direction du Béthel d’Autriche. En 1996, un comité de filiale constitué de quatre membres a été formé pour superviser la prédication dans ces territoires. Il ne fait aucun doute que Jéhovah a béni cette disposition.

NOUVEAU BÉTHEL ET NOUVELLES SALLES DU ROYAUME

Comme ailleurs, les effets de l’accroissement théocratique se faisaient sentir sur la famille du Béthel de Zagreb, qui est passée de 10 à 50 membres. Étant donné que le Béthel ne pouvait accueillir que quatre ou cinq couples, il s’est avéré nécessaire de louer des chambres supplémentaires dans le quartier.

Peu après la formation du Comité de la filiale, le Collège central lui a demandé d’acheter un terrain à Zagreb pour y construire un nouveau Béthel. Des volontaires croates et des serviteurs internationaux ont édifié en peu de temps des locaux qui allaient permettre de servir la cause du Royaume pour de longues années à venir. Le nouveau Béthel, qui comprenait une Salle du Royaume, a été inauguré le samedi 23 octobre 1999, de même qu’une double Salle du Royaume dans le centre de Zagreb. Des délégués de 15 pays étaient présents, dont frère Gerrit Lösch, membre du Collège central, qui a prononcé le discours d’inauguration. Le lendemain, 4 886 personnes se sont réunies dans une salle omnisports pour écouter un programme spirituel réjouissant. Quelle journée inoubliable pour les serviteurs de Jéhovah de Croatie, dont certains servaient fidèlement Jéhovah depuis 50 ans, voire davantage, et avaient traversé des périodes parmi les plus angoissantes de l’histoire moderne !

Un vaste programme de construction de Salles du Royaume a également été lancé. Jusqu’en 1990, beaucoup de congrégations se réunissaient dans des sous-sols ou des appartements privés. Les frères de Split, par exemple, se sont rassemblés pendant 20 ans dans une petite pièce chez un particulier. Il n’y avait que 50 chaises et ils étaient parfois plus d’une centaine, ce qui obligeait une bonne partie de l’assistance à rester debout à l’extérieur. Les assemblées avaient lieu au même endroit et l’auditoire pouvait alors dépasser 150 personnes. Aujourd’hui, Split compte quatre congrégations, qui utilisent deux belles Salles du Royaume. Vu l’accroissement du nombre des proclamateurs, les assemblées se tiennent dans la salle de conférence d’un hôtel. Le bureau des Salles du Royaume, dirigé par le bureau d’ingénierie régional de Selters, en Allemagne, continue d’organiser la construction de lieux de culte fonctionnels et agréables.

Les frères et sœurs, jeunes et moins jeunes, qui se sont rendus disponibles pour participer à la construction de Salles du Royaume ont réalisé un travail colossal. À ce jour, 25 salles ont été bâties et 7 autres rénovées. Cela a contribué aux progrès de l’œuvre du Royaume — et à la louange de Jéhovah.

L’ŒUVRE DU ROYAUME EN PLEIN ESSOR

En 1991, quand la Croatie est devenue indépendante, son administration a conservé les lois existantes sur la religion jusqu’à ce que de nouvelles lois puissent être votées. L’État nouvellement formé était composé à près de 90 % de catholiques. Le clergé exerçait donc sur le gouvernement une influence considérable. Toutefois, étant donné le statut juridique dont jouissaient les Témoins de Jéhovah par le passé et leur réputation irréprochable, le ministère de la Justice a arrêté le 13 octobre 2003 qu’ils étaient désormais enregistrés en tant que religion. Combien ils étaient heureux, après toutes ces années d’épreuves, de bénéficier de la reconnaissance officielle en Croatie !

Au début des années 90, tous les pays de l’ex-Yougoslavie réunis ne tenaient qu’une session de l’École des pionniers. Aujourd’hui, la Croatie en organise à elle seule plusieurs par an. En septembre 2008, les 5 451 proclamateurs du pays étaient répartis dans 69 congrégations. Et au Mémorial, ils ont été ravis d’enregistrer une assistance de 9 728 personnes ! Tous ces chiffres en disent long sur les merveilleuses perspectives d’accroissement pour l’avenir.

Même si l’intolérance religieuse est répandue et que les pressions quotidiennes s’intensifient, tous les serviteurs de Jéhovah de Croatie sont plus résolus que jamais à continuer de prêcher la bonne nouvelle du Royaume de Dieu, quoi que Satan puisse susciter dans sa colère (Rév. 12:12). La majorité des gens font de leur lutte pour gagner leur vie leur principale préoccupation. Pourtant, il en est parmi eux qui soupirent à cause de l’état moral déplorable du monde et qui ont faim de vérité (Ézék. 9:3, 4 ; Mat. 5:6). Ces personnes sont en train d’être trouvées et de recevoir de l’aide pour adorer le seul vrai Dieu et dire à leur tour : “ Venez et montons à la montagne de Jéhovah, à la maison du Dieu de Jacob ; et il nous instruira de ses voies, et nous voulons marcher dans ses sentiers. ” — Is. 2:3.

Histoire moderne de la Macédoine

“ Passe en Macédoine et aide-​nous ”, a dit l’homme apparu à l’apôtre Paul en vision au Ier siècle (Actes 16:8-10). Comprenant que Dieu leur demandait de proclamer la bonne nouvelle de son Royaume dans ce territoire vierge, Paul et ses compagnons ont volontiers accepté l’invitation. Le christianisme n’a pas tardé à y prospérer. Comment le vrai culte a-​t-​il connu un accroissement analogue dans la Macédoine moderne, qui correspond au nord de la Macédoine antique ?

Après la Seconde Guerre mondiale, la Macédoine est devenue la république la plus méridionale de Yougoslavie. Elle a obtenu son indépendance en 1991. Deux ans plus tard, en 1993, les Témoins de Jéhovah ont eu la joie d’être enregistrés officiellement dans ce nouvel État. Dès lors, ils pouvaient y établir un bureau, sous la direction du Comité de la filiale d’Autriche. En 1993, ils ont fait l’acquisition d’une maison située rue Alžirska, à Skopje. Ce nouveau Béthel a accueilli l’équipe de traduction en macédonien, qui se trouvait jusque-​là à Zagreb (Croatie).

Michael et Dina Schieben sont arrivés d’Allemagne pour effectuer le service de la circonscription, et Daniel et Helen Nizan, du Canada, ont été envoyés de Serbie, où ils étaient affectés jusque-​là. Un comité de pays a été formé et le Béthel a commencé à déployer ses activités.

DES RESTRICTIONS SUR LES PUBLICATIONS

Même si les Témoins avaient été enregistrés officiellement, il leur était difficile d’importer des publications. De 1994 à 1998, le gouvernement a limité les importations de périodiques à un exemplaire par proclamateur. C’est pourquoi les frères copiaient les articles d’étude de La Tour de Garde pour les personnes qui étudiaient la Bible avec eux. Ils recevaient en outre des périodiques de l’étranger, soit par la poste, soit par l’intermédiaire de visiteurs, qui étaient autorisés à en apporter de petites quantités. Finalement, au terme de plusieurs années de procédures judiciaires, la Cour suprême a statué en faveur des Témoins, les autorisant désormais à importer autant de publications qu’ils voulaient.

En août 2000, le nombre des proclamateurs s’est élevé à 1 024, dépassant pour la première fois la barre des mille ! À cause de l’augmentation du nombre des publications disponibles en macédonien et de celui des proclamateurs, la maison de la rue Alžirska est devenue trop exiguë pour la famille du Béthel. L’année suivante, trois petites maisons du quartier ont été achetées et démolies pour faire place à deux nouveaux bâtiments. Aujourd’hui, les 34 Béthélites de Macédoine exercent leurs activités et logent dans trois bâtiments fonctionnels. Le 17 mai 2003, ils ont eu le plaisir de recevoir Guy Pierce, membre du Collège central, à l’occasion du programme inaugural.

LA CONSTRUCTION DE SALLES DU ROYAUME

Les frères et sœurs de Macédoine ont été très heureux de bénéficier du soutien apporté à la construction de Salles du Royaume dans les pays aux ressources limitées. Une équipe de cinq frères a été désignée pour aider des congrégations locales dans ce domaine. Entre 2001 et 2007, neuf salles ont vu le jour. En collaborant dans la paix et l’unité, sans aucun préjugé ethnique, l’équipe multinationale de constructeurs a donné un puissant témoignage. La qualité de leur travail a poussé un commerçant à s’écrier, après avoir visité une Salle du Royaume terminée : “ C’est vraiment l’amour qui a construit ce bâtiment ! ”

Alors que le groupe de constructeurs s’affairait sur un autre chantier, à Štip, un riverain s’est dit sceptique sur la réussite du projet, car l’équipe semblait jeune et inexpérimentée. Mais une fois la salle achevée, il a apporté sur le site les plans de sa future maison et a supplié les jeunes frères de la lui construire. Il était tellement impressionné par leur savoir-faire qu’il leur a proposé un salaire généreux. Quelle n’a pas été sa surprise lorsque les frères lui ont dit qu’ils travaillaient, non pour le profit, mais par amour pour Dieu et pour leur prochain !

LA TRADUCTION DU MONDE NOUVEAU

Pendant ce temps, un autre petit groupe d’hommes et de femmes dévoués étaient occupés à une autre tâche : la traduction des Saintes Écritures — Traduction du monde nouveau en macédonien. Leurs durs efforts ont été bénis par Jéhovah : en seulement cinq ans, ils ont traduit l’intégralité de la Bible. Quelle joie ont ressentie les assistants à l’assemblée de district “ La délivrance est proche ! ” tenue à Skopje en 2006 quand Gerrit Lösch, représentant du Collège central, a annoncé la parution de cette version de la Bible ! Des applaudissements prolongés et enthousiastes ont retenti. Beaucoup d’assistants n’ont pu retenir leurs larmes. Certains de ceux qui ont retiré leur exemplaire à la pause de midi ont commencé sur-le-champ à lire cette traduction remarquable de la Parole de Dieu dans leur langue maternelle.

De nombreux Macédoniens ont un profond respect pour la Bible. Orhan, par exemple, s’est mis à l’étudier il y a six ans, bien qu’il ait été analphabète. Avec l’aide du frère qui dirigeait son étude, il a appris à lire et à écrire. Depuis son baptême, il y a trois ans, il a lu la Bible six fois !

À une époque, Orhan était le seul Témoin dans la ville de Resen. Néanmoins, plus d’un habitant parlait en bien de cet homme autrefois illettré. Des parents ont demandé aux frères d’étudier avec leurs enfants afin qu’ils deviennent comme Orhan. L’intérêt pour la vérité s’est développé à Resen, si bien qu’un groupe d’étude de livre y a été créé. Un homme intéressé par la Bible est devenu proclamateur non baptisé. Quant à Orhan, il est aujourd’hui pionnier permanent et assistant ministériel.

ILS PASSENT EN MACÉDOINE

En juillet 2004, un couple de pionniers spéciaux d’Albanie est venu prêcher à la communauté albanaise, qui constitue un quart de la population macédonienne. Étant les seuls proclamateurs pour plus d’un demi-million d’habitants, ils ont rapidement été débordés. C’est pourquoi, un an plus tard, un deuxième couple d’Albanie les a rejoints. Tous les quatre ont donné de l’élan au groupe de sept sympathisants de Kičevo, ville située au cœur de la communauté albanaise de Macédoine. Au printemps suivant, ce groupe s’est réjoui d’enregistrer une assistance de 61 personnes au discours du Mémorial, prononcé et en albanais et en macédonien. Il compte aujourd’hui 17 proclamateurs zélés et l’assistance aux réunions est au minimum d’une trentaine de personnes.

Pour que l’ensemble de la Macédoine soit couvert, le Collège central a approuvé l’organisation d’une campagne spéciale d’avril à juillet 2007. L’objectif était de diffuser la bonne nouvelle dans des territoires non encore parcourus et auprès des albanophones.

Débordant d’enthousiasme, 337 frères et sœurs de sept pays se sont portés volontaires pour cette activité. Qu’en est-​il résulté ? La bonne nouvelle a été prêchée dans plus de 200 localités, où l’on recense 400 000 habitants qui, pour la plupart, n’avaient jamais entendu le message. Plus de 25 000 livres et brochures ainsi que plus de 40 000 périodiques ont été distribués durant les quatre mois. Les proclamateurs ont passé 25 000 heures dans le ministère et entamé plus de 200 études bibliques.

“ Certaines personnes avaient les yeux qui s’embuaient quand elles apprenaient d’où nous venions et pourquoi nous leur rendions visite, raconte un frère. D’autres étaient émues aux larmes par ce qu’elles lisaient dans la Parole de Dieu. ”

De nombreux frères et sœurs ont exprimé leur bonheur d’avoir participé à cette campagne. Une sœur a écrit : “ Une enseignante nous a dit : ‘ Que Dieu vous bénisse ! C’est fantastique, ce que vous faites. Votre message est vraiment réconfortant ! ’ ”

“ C’est dur de quitter ce territoire missionnaire ! s’est exclamé un proclamateur. Nous avons pu mesurer combien les gens ont besoin de la vérité. Nous étions tristes de dire au revoir à ceux avec qui nous étudiions la Bible. ”

“ Nous regrettons de ne pas avoir pris plus de jours de vacances, a dit un couple, parce que maintenant nous nous rendons compte de l’ampleur des besoins. ”

Se faisant l’écho des sentiments d’un grand nombre, un proclamateur a dit : “ Je ne me rappelle pas avoir passé d’aussi bons moments en famille. ”

Dans les montagnes proches de Tetovo, quatre proclamateurs ont prêché dans un village qui n’avait jamais été touché. Deux sont partis du côté gauche d’une rue et les deux autres du côté droit. À peine avaient-​ils atteint la troisième maison que toute la rue savait que les Témoins de Jéhovah étaient là. La nouvelle s’est bientôt répandue dans le village et un groupe important de femmes intéressées par la vérité s’est formé autour des sœurs. Plus bas dans la rue, 16 hommes attendaient les frères avec impatience. On a vite apporté des chaises aux proclamateurs et un homme leur a préparé du café. Ils ont distribué des publications à chacun et ont commencé à parler de la vérité, arguments bibliques à l’appui.

Les villageois ont tous été attentifs et les questions ont fusé. À la fin de la discussion, un bon nombre a tenu à dire au revoir personnellement aux Témoins. Ceux-ci se sont inquiétés, toutefois, lorsqu’une femme âgée s’est approchée en brandissant sa canne. “ Je vais vous donner du bâton ! ” a-​t-​elle menacé, la canne pointée vers eux. Qu’avaient-​ils fait pour l’offenser ? “ Tout le monde a eu un livre, sauf moi ! ” a-​t-​elle expliqué. “ Je veux le grand jaune ! ” a-​t-​elle dit en montrant le Recueil que sa voisine avait reçu. Les frères lui ont aussitôt laissé le dernier exemplaire qui leur restait.

LA PRÉDICATION AUX ROMS

En Macédoine, quantité de Roms parlent macédonien, mais leur langue maternelle est un parler romani, mélange de plusieurs dialectes romanis. La capitale, Skopje, posséderait le plus grand quartier rom d’Europe, avec 30 000 habitants. Une double Salle du Royaume dans le secteur de Šuto Orizari accueille les trois congrégations romanis du quartier. Les 200 proclamateurs ont un territoire fructueux, qui compte 1 proclamateur pour 150 habitants — une des meilleures proportions du pays. L’assistance au Mémorial 2008, qui s’est élevée à 708 personnes, en dit long sur l’accueil favorable que les Roms font à la prédication !

Quels efforts sont actuellement en cours pour aider les Roms humbles et assoiffés de vérité à apprendre à connaître le dessein de Dieu dans leur langue maternelle ? Le plan du discours spécial de 2007 a été traduit en romani et un ancien d’ascendance rom l’a présenté devant un auditoire captivé de 506 personnes. À l’assemblée de district de 2007, des proclamateurs de diverses origines — rom, macédonienne et albanaise — ont été enchantés d’apprendre la parution de la brochure Ce que Dieu attend de nous en romani. Jusqu’alors, ils dirigeaient souvent des études bibliques dans leur propre langue en se servant de publications en macédonien. À présent, ils arrivent mieux à toucher le cœur des Roms sincères grâce à la brochure Attend en romani.

Aujourd’hui, les 1 277 proclamateurs des 21 congrégations de Macédoine s’évertuent à suivre l’exemple laissé par l’apôtre Paul au Ier siècle. La réaction positive des milliers de Macédoniens en quête de vérité justifie la campagne moderne consistant à “ passe[r] en Macédoine ”.

Histoire moderne de la Serbie

Située au cœur des Balkans, la Serbie est un pays aux cultures variées qui accueille diverses nationalités. C’est là, à Belgrade, qu’un Béthel a été ouvert en 1935. Les besoins des territoires de l’ex-Yougoslavie ont ainsi été comblés et il en est résulté un accroissement théocratique phénoménal. Plus récemment, comment les frères serbes ont-​ils aidé les nouveaux États de cette région du monde ?

Alors que les frontières se fermaient les unes après les autres et que la haine religieuse et ethnique gagnait du terrain, des frères de différentes nationalités collaboraient pacifiquement au Béthel de Zagreb, en Croatie. Mais finalement, les préjugés raciaux et nationaux faisant rage, les frères serbes ont été obligés de quitter le Béthel. En 1992, la traduction en serbe s’effectuait de nouveau en Serbie, à Belgrade, comme 50 ans auparavant. Ce changement s’est avéré sage et opportun.

La Bosnie, théâtre d’affrontements violents, avait grand besoin d’une aide humanitaire. Les frères de la filiale d’Autriche, pleins d’amour, avaient organisé un envoi de secours, et ceux de Serbie étaient les mieux placés pour les livrer dans les zones de Bosnie contrôlées par les Serbes.

Même si les combats n’avaient pas atteint la Serbie, les effets de la guerre s’y faisaient sentir. Un embargo entravait l’importation de publications depuis l’Allemagne, où elles étaient imprimées. Lorsque les congrégations ne recevaient pas les derniers périodiques, les frères réétudiaient des articles antérieurs jusqu’à l’arrivée des numéros plus récents. Et en fin de compte, ils n’ont jamais manqué un seul numéro.

“ UNE AIDE QUI FORTIFIE ”

“ Quand ma femme et moi sommes arrivés en Serbie, en 1991, a rapporté Daniel Nizan, diplômé de Guiléad, le pays était en proie au chaos. Nous avons été impressionnés par le zèle des frères en ces circonstances critiques. Je me souviens que nous avons été surpris de voir une cinquantaine de candidats se présenter pour le baptême à la première assemblée spéciale d’un jour à laquelle nous avons assisté. Cela nous a énormément encouragés. ”

Le concours des Nizan s’est révélé précieux pour l’organisation du nouveau bureau de Belgrade. Le Béthel initial, situé rue Milorada Mitrovića, pouvait accueillir une dizaine de personnes et abritait une Salle du Royaume au rez-de-chaussée. Quand l’équipe de traduction s’est agrandie, il a fallu plus de place. Les frères ont trouvé un terrain et la construction a commencé. Vers la fin de l’année 1995, la famille du Béthel a emménagé dans les nouveaux bâtiments.

Les temps devenant de plus en plus durs, davantage de personnes acceptaient la vérité. Or, les nouveaux proclamateurs avaient besoin d’un encadrement bienveillant. Ce besoin a été comblé en partie par des pionniers spéciaux d’Italie. Dynamiques et dévoués, ces serviteurs à plein temps se sont dépensés sans compter. Même s’il n’était pas facile d’apprendre une nouvelle langue et de s’adapter à une nouvelle culture — et ce en temps de guerre —, ils se sont montrés envers leurs frères serbes “ une aide qui fortifie ”. — Col. 4:11.

Les pionniers étrangers ont prêté leur concours dans de nombreux domaines, mais, surtout, “ ils ont apporté leur expérience théocratique ”, a expliqué Rainer Scholz, coordinateur du Comité du pays. Actuellement, les 55 congrégations de Serbie bénéficient de l’aide de 70 pionniers spéciaux.

LES EFFETS DRAMATIQUES DE L’HYPERINFLATION

La Serbie n’a pu échapper aux terribles retombées économiques de la guerre, en particulier à l’inflation galopante. “ En 116 jours, d’octobre 1993 au 24 janvier 1994, signalait une source, l’inflation cumulée a été de 500 000 milliards pour cent. ” Mira Blagojević, au Béthel depuis 1982, se rappelle être allée au marché avec un sac rempli de billets pour n’acheter que quelques légumes.

Une autre sœur, Gordana Siriški, raconte que, lorsque sa mère a touché sa pension, elle avait à peine de quoi acheter un rouleau de papier toilette. “ On a du mal à comprendre comment les gens ont pu survivre, a fait remarquer Gordana. D’un coup, tout ce qu’ils avaient ne valait plus rien. Grâce à nos frères et sœurs du monde entier, nous avons reçu des secours. Alors que les gens perdaient confiance dans les banques et le gouvernement, beaucoup ont mis leur foi en Dieu, et les frères se sont rapprochés les uns des autres. ”

LA TRADUCTION DE LA BIBLE

Pendant des années, les équipes de traduction de Yougoslavie ont collaboré étroitement à Zagreb, en Croatie. Après la guerre, elles sont parties dans leurs pays respectifs, tout en gardant contact avec l’équipe croate. Ces liens ont été particulièrement utiles quand l’équipe serbe a commencé à traduire Les Écritures grecques chrétiennes — Traduction du monde nouveau. L’objectif était qu’elles paraissent à l’assemblée de 1999.

Toutefois, tandis que le projet touchait à son terme, le pays se préparait au combat. Des bombardements rendraient assurément la communication par téléphone difficile, ce qui entraverait l’envoi du texte de Belgrade vers l’imprimerie en Allemagne. Le mardi 23 mars, comme des attaques aériennes étaient à prévoir, les frères ont travaillé toute la nuit et ont pu envoyer tôt le matin les fichiers électroniques à l’Allemagne. Quelques heures plus tard, les bombardements ont commencé et les traducteurs se sont mis à l’abri, tout joyeux ! Leur joie a été à son comble quatre mois plus tard, quand la parution de la Bible a été annoncée à l’assemblée de Belgrade. Durant les bombardements et malgré les nombreuses coupures de courant, les frères ont continué de traduire d’autres publications. Ils devaient cependant s’interrompre souvent et courir se réfugier. Certes, c’était une période stressante, mais tous ont été heureux de participer à la production de la nourriture spirituelle si opportune.

Grâce à un travail assidu et à la bénédiction de Jéhovah, Les Écritures grecques chrétiennes — Traduction du monde nouveau ont paru en serbe en juillet 1999. Les assistants ont débordé de joie et d’enthousiasme en recevant la Parole de Dieu dans leur propre langue. Plus tard, aux assemblées de 2006, on a annoncé la parution de l’intégralité de la Traduction du monde nouveau dans les alphabets cyrillique et latin.

L’OPPOSITION RELIGIEUSE S’INTENSIFIE

Étant donné que l’Église orthodoxe serbe prédomine dans le pays, pour beaucoup, qui dit Serbe dit orthodoxe. De l’avis général, si on n’appartient pas à l’Église orthodoxe, on n’est pas Serbe. Néanmoins, dans les années 90, quantité de gens ont accepté notre message d’espoir fondé sur la Bible. À la fin de la guerre, en 1999, le nombre des proclamateurs avait presque doublé, atteignant le chiffre record de 4 026.

Cette prospérité spirituelle a déclenché la colère de l’Église orthodoxe, qui a tenté de mettre fin à l’activité chrétienne de prédication en attisant le feu de la ferveur nationaliste. Par la violence ou en manipulant la loi, nos adversaires ont cherché à démoraliser les frères. Ainsi, 21 d’entre eux étaient encore emprisonnés pour leur neutralité. La plupart ont été libérés peu après la guerre, reconnaissants à Jéhovah d’avoir fortifié leur foi pour qu’ils puissent surmonter cette épreuve.

Le 9 avril 2001, le ministère fédéral de l’Intérieur a brusquement interdit l’importation des publications. Pour quelle raison ? Parce qu’elles corrompaient soi-disant la jeunesse du pays. Même la Bible figurait sur la liste des publications interdites !

À cause des émissions télévisées et des articles de presse peu élogieux sur notre œuvre, certaines personnes sont devenues violentes. “ On nous donnait des coups de poing ou des gifles quand nous prêchions de porte en porte, a témoigné un pionnier spécial. D’autres fois, on nous jetait des pierres. ” De plus, des Salles du Royaume ont été vandalisées. Actuellement, nos frères de Serbie ont le droit de se réunir, même s’il leur faut rester discrets.

Les frères continuent à prêcher avec zèle. Ils fournissent la preuve que les serviteurs de Jéhovah sont exempts de préjugés et qu’ils manifestent véritablement l’amour de Christ. Au cours de campagnes de prédication organisées dernièrement, des frères et sœurs d’autres pays d’Europe ont pris sur leurs congés pour prêcher dans des territoires non attribués de Serbie et du Monténégro. Il reste néanmoins un grand travail à faire pour toucher les trois millions de personnes qui y vivent.

Aujourd’hui, le Béthel de Belgrade se compose de trois bâtiments entourés de jardins. Les trois membres du Comité du pays s’occupent de l’œuvre en Serbie et au Monténégro. Grâce à la bénédiction de Jéhovah sur son peuple dans cette région jadis déchirée par la guerre, le nom de Serbie peut maintenant évoquer le zèle et la détermination des Témoins de Jéhovah.

Histoire moderne du Kosovo

La tension qui existait dans les années 80 entre les communautés serbe et albanaise du Kosovo a dégénéré dans les années 90 en un conflit ouvert, qui a provoqué des souffrances et des chagrins indescriptibles. Cette situation a donné à nos frères et sœurs l’occasion de manifester “ une affection fraternelle sans hypocrisie ” envers leurs frères de toutes origines ethniques (1 Pierre 1:22). En outre, ils ont obéi au commandement de Christ “ d’aimer [leurs] ennemis et de prier pour ceux qui [les] persécutent ”. (Mat. 5:43-48.) Mais non sans difficultés...

“ Les frères qui étaient autrefois musulmans ne sont pas toujours bien reçus par les musulmans pratiquants, explique Saliu Abazi, un ancien musulman de langue albanaise. Parce que nous avons adopté une nouvelle religion, nos familles estiment à tort que nous les avons reniées. Et puis, à cause des tensions entre Albanais et Serbes, il n’est pas toujours facile à un ancien musulman de prêcher à un Serbe. ”

Malgré tout, une trentaine de personnes de diverses ethnies se réunissaient chez Saliu. “ À l’époque, se souvient-​il, les réunions se tenaient en serbe, et nous recevions les publications de Belgrade. Un jour, la police est arrivée chez moi à l’improviste. Les frères de Belgrade venaient juste de nous livrer des publications et nous étions tous ensemble. Quand j’ai dit aux policiers que c’étaient mes frères, ils n’ont pas compris comment des Serbes et des Albanais pouvaient être frères. ” En 1998, ce groupe de proclamateurs a pu louer à Priština, la plus grande ville du Kosovo, un local qui leur a servi de Salle du Royaume.

Au printemps 1999, les tensions ethniques et le nationalisme se sont intensifiés de façon alarmante. “ Notre voisin a menacé d’incendier notre maison si nous n’allions pas nous battre, mon fils et moi, raconte Saliu. Le climat politique produisait un effet terrible sur les gens. Ils ne reconnaissaient pas le gouvernement serbe de l’époque, qui, dès lors, ne parvenait pas à faire respecter les lois. Ils devenaient violents et faisaient absolument tout ce qu’ils voulaient. ”

La situation politique se dégradant, les conditions ont empiré pour les Serbes qui vivaient au Kosovo. Durant les affrontements de 1999, des milliers de Serbes et d’Albanais ont été contraints de fuir vers les pays voisins. Toutefois, dans ce contexte de conflit ethnique intense, Saliu a risqué sa vie en recueillant ses frères serbes.

FAÇONNÉS PAR LA PENSÉE DE JÉHOVAH

“ Les Serbes et les Albanais se vouaient une haine farouche, a déclaré une sœur. Ce sentiment de haine nous était inculqué dès l’enfance. Même quand on découvre la vérité, il ne s’efface pas facilement. Beaucoup parmi nous ont dû opérer des changements radicaux pour adopter la pensée de Jéhovah. À cause de cette haine, même si j’apprenais que Jéhovah est amour, j’avais tendance à éviter une sœur de la congrégation pour la seule raison qu’elle était Serbe. Néanmoins, en progressant dans l’étude, j’ai compris que, contrairement aux enseignements des autres religions, la vérité de la Parole de Jéhovah unifie. ” Le pouvoir transformateur de la Bible a-​t-​il aidé cette sœur à revêtir la personnalité nouvelle ? “ Aujourd’hui, a-​t-​elle conclu, je suis heureuse de servir Jéhovah dans la même congrégation que mes frères et sœurs serbes. ” — Col. 3:7-11 ; Héb. 4:12.

L’unité chrétienne authentique ne passe pas inaperçue dans ce monde divisé sur le plan religieux. En juillet 1998, alors que le nationalisme poussait les gens à brûler des maisons et à lancer des grenades, nos frères se sont rendus à Belgrade, en Serbie, pour assister à une assemblée. Albanais, Croates, Macédoniens et Roms ont voyagé ensemble en car, dans la paix. Dashurie Gashi, qui allait se faire baptiser à cette assemblée, relate : “ Quand les soldats ont arrêté le car, la stupéfaction se lisait sur leurs visages. Au beau milieu des tensions qui déchiraient nos pays, nous étions unis comme un seul peuple : le peuple de Jéhovah. ”

Une jeune femme d’origine rom a connu la vérité étant petite par l’intermédiaire de ses tantes qui vivaient à l’étranger. Le premier obstacle qu’il lui a fallu surmonter était l’illettrisme. Par amour pour Jéhovah, elle a appris à lire et à écrire durant ses trois années d’étude de la Bible. Le second obstacle était son grand-père, chez qui elle vivait. “ Je sortais de la maison en catimini pour aller aux réunions ”, dit-​elle. Mais à son retour, son grand-père la battait. “ Même si je souffrais physiquement pour la vérité, témoigne-​t-​elle, je n’ai pas baissé les bras. Je repensais à toutes les souffrances qu’avait endurées le fidèle Job. Mon amour pour Jéhovah était fort, et j’étais déterminée à continuer d’étudier. ” Elle est à présent pionnière et dirige une étude biblique avec deux jeunes filles analphabètes. Elle n’a jamais été scolarisée, mais elle est heureuse d’avoir reçu à l’École du ministère théocratique une formation pour enseigner autrui.

Adem Grajçevci, un musulman, a connu la vérité en 1993, en Allemagne. En 1999, il est retourné dans son Kosovo natal et, comme bien d’autres nouveaux Témoins, il s’est heurté aux préjugés et à l’opposition de sa famille. “ Tandis que j’apprenais la vérité, se rappelle-​t-​il, j’ai découvert que Satan est le chef du monde et que c’est lui qui est derrière toutes les atrocités qui se commettent. Cette pensée m’a beaucoup aidé. ” Ses nouvelles croyances ne plaisaient pas à son père, qui l’a sommé de choisir entre Jéhovah et sa famille. Adem a choisi Jéhovah. Il a poursuivi ses progrès spirituels et il est maintenant ancien. Au fil des ans, il a eu la joie de voir son père s’adoucir et montrer plus de respect pour sa décision.

Adnan, le fils d’Adem, ne s’intéressait pas à la religion quand il était enfant. Il s’adonnait aux arts martiaux, à tel point que ses adversaires l’avaient surnommé “ le tueur ”. Cependant, quand la vérité a touché son cœur, il a tout abandonné. Il a réalisé d’excellents progrès et s’est fait baptiser. “ Peu après mon baptême, je me suis trouvé face à un choix, confie-​t-​il. J’avais un bon emploi et je vivais confortablement. Mais spirituellement, je n’allais pas très bien et il me restait peu de temps pour prêcher. Un changement s’imposait. J’ai donc démissionné. ” Adnan a entrepris le service de pionnier, il a été nommé assistant ministériel et, plus tard, il a été invité à faire partie de la première classe de l’École de formation ministérielle en Albanie. Aujourd’hui, Adnan est ancien et pionnier spécial avec sa femme, Hedije. Que pense-​t-​il de la décision qu’il a prise ? “ Je ne pourrais pas être plus heureux, observe-​t-​il. Je n’ai aucun regret d’avoir opté pour le ministère à plein temps. ”

UNIS DANS LE CULTE ET L’INSTRUCTION

Actuellement, les six congrégations du Kosovo se réunissent dans des salles louées. Certaines congrégations sont petites : celle de Peć ne compte que 28 proclamateurs. Par manque de frères nommés, toutes ne peuvent bénéficier d’un discours public hebdomadaire. Pourtant, comme les frères et sœurs de Peć, elles se rassemblent fidèlement chaque semaine pour l’étude de La Tour de Garde et les autres réunions.

Pendant des années, le Comité de pays de la Serbie s’est occupé avec amour des frères du Kosovo alors qu’ils traversaient des périodes extrêmement difficiles. En 2000, pour répondre aux nouveaux besoins des frères, le Collège central a délégué à la filiale d’Albanie la direction de l’œuvre au Kosovo.

Encore récemment, la plupart des Témoins du pays étaient Serbes. Les réunions se tenaient donc en serbe et les frères aidaient aimablement les personnes de langue albanaise à suivre le programme. À présent, c’est l’inverse. La majorité des frères du Kosovo sont Albanais. Toutes les réunions se tiennent en albanais, sauf dans le cas d’une congrégation serbe, et les frères albanais sont heureux d’interpréter les discours pour leurs frères serbes. Le programme des assemblées est proposé dans les deux langues. Par exemple, l’intégralité du programme de l’assemblée de district 2008 a été présenté en albanais et traduit en serbe, et les discours-clés ont été donnés en serbe par des anciens kosovars. “ Malgré la haine perceptible à l’extérieur, fait remarquer un frère, à la salle, nous formons une seule famille. ”

Bien que la religion musulmane prédomine au Kosovo, les Kosovars respectent la Bible et beaucoup sont disposés à parler de religion. En 2008, les Témoins du Kosovo se sont réjouis d’enregistrer un nouveau record de 164 proclamateurs. Pleinement confiants en Jéhovah, ils sont résolus à ne pas ménager leurs efforts pour couvrir leur territoire et proclamer la bonne nouvelle à des gens de toutes nationalités.

Histoire moderne du Monténégro

Cette perle du bassin méditerranéen est un charmant petit pays en bordure de l’Adriatique. Enchâssé entre l’Albanie, le Kosovo, la Serbie et la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro est une terre d’une étonnante diversité et d’une beauté à couper le souffle. Il s’enorgueillit de près de 300 kilomètres de côtes sublimes. Le canyon de Tara est un des plus longs et des plus profonds d’Europe. Le lac de Shkodër est un des plus grands des Balkans et abrite une des plus importantes réserves ornithologiques d’Europe. Tout cela sur une superficie équivalant au tiers de la Suisse !

L’histoire du pays a cependant été marquée par la guerre, les dissensions et la souffrance. La lutte des Monténégrins pour survivre a imprégné leur tradition, leur mentalité et leur culture. Un des aspects fondamentaux de leur culture est leur admiration pour des qualités telles que la bravoure, l’intégrité, la dignité, l’humilité, l’abnégation et le respect d’autrui. Parmi ce peuple endurant, nombreux sont ceux qui ont accepté la bonne nouvelle du Royaume et défendent à présent fidèlement la vérité biblique.

LES PROGRÈS SPIRITUELS

Aucun assistant à l’assemblée marquante de 1991 tenue à Zagreb (Croatie) n’oubliera l’unité et l’amour manifestés par les frères venus des quatre coins de l’ex-Yougoslavie. “ Dans le climat de guerre ambiant, il était dangereux de se rendre du Monténégro en Croatie, se souvient Savo Čeprnjić, qui commençait tout juste à étudier. J’ai été surpris de voir autant de cars arriver à l’assemblée sans encombre. J’ai été encore plus impressionné par la paix et l’unité qui régnaient chez les Témoins. Le premier jour, des centaines de policiers étaient présents, mais, ayant constaté que nous étions pacifiques, quelques-uns seulement ont pris leur service les jours suivants. ”

Avant que la guerre éclate, un couple faisait la navette entre la Croatie et le Monténégro pour étudier avec Savo. Une fois les frontières fermées, comment Savo allait-​il poursuivre son étude de la Bible ?

“ Les nouveaux qui étaient plus avancés dans leur étude devaient aider les autres, explique Savo. Un frère examinait avec moi le livre Vous pouvez vivre éternellement sur une terre qui deviendra un paradis. Mais, quand les circonstances l’ont exigé, c’est une personne non baptisée qui a pris le relais. En 1992, le groupe qui se rassemblait à Herceg Novi pour l’étude de livre et l’étude de La Tour de Garde se montait à 15 personnes. ” Savo, sa femme et leur fille ont continué à progresser et se sont fait baptiser en 1993. Aujourd’hui, cette ville pittoresque du littoral possède une Salle du Royaume, que fréquentent 25 proclamateurs.

Au début des années 90, des proclamateurs se réunissaient à Podgorica, la capitale. Leur groupe n’a cessé de s’étoffer, si bien qu’en 1997 les frères ont fait l’acquisition d’un terrain en vue d’y construire une Salle du Royaume. Sur le terrain, il y avait un mur que les frères souhaitaient garder pour plus de tranquillité. Mais un policier qui résidait dans le sous-sol de l’immeuble voisin leur a demandé s’ils pouvaient l’abattre afin que son appartement soit plus lumineux. Soucieux de maintenir des relations de bon voisinage, les frères ont accepté de le remplacer par une clôture. Leur esprit d’entente allait s’avérer bénéfique.

Quand d’autres locataires de l’immeuble ont causé des ennuis aux frères, le policier les a avertis que, s’ils touchaient à la Salle du Royaume, il veillerait à ce qu’ils soient poursuivis en justice. Aujourd’hui, les frères disposent d’un beau lieu de culte, ainsi que d’un logement pour des pionniers spéciaux et d’un grand parking couvert utilisable pour les assemblées.

En revanche, les choses ne se sont pas passées aussi bien pour les frères de Nikšić. En 1996, ils ont acheté un terrain. Toutefois, la municipalité était hostile à la construction d’une Salle du Royaume. Les frères ont gardé le chantier jour et nuit de peur que des riverains ne viennent le saboter. Mais un jour, un prêtre a recruté une foule de 200 personnes. Elles ont fait irruption sur le terrain, armées de fusils et de bâtons. Elles ont tiré des coups de feu en l’air et se sont mises à démolir la salle, brique par brique. Les policiers sont restés là sans rien faire.

Comme la situation ne pouvait se résoudre dans la paix, les frères ont cherché autre chose. Quatre ans plus tard, ils ont trouvé un bâtiment, qu’ils ont rénové et transformé en Salle du Royaume. Au début, le quartier paraissait tranquille, mais, au bout de quelques mois, la salle a été détruite dans un incendie suspect. Déterminés, nos frères n’ont pas baissé les bras. Ils se sont remis au travail et ont rebâti la salle. Depuis, aucun incident ne s’est produit.

Les quatre congrégations du Monténégro œuvrent sous la direction du Comité de pays de la Serbie. Les 201 proclamateurs — soit 1 pour 2 967 habitants — apprécient le concours des 6 pionniers spéciaux. Pour beaucoup de Monténégrins, la religion a plus à voir avec la tradition qu’avec la lecture de la Bible. Mais nos frères et sœurs persévèrent hardiment dans la prédication de la bonne nouvelle.

Histoire moderne de la Slovénie

Jusqu’à ce qu’elle accède à l’indépendance, en 1991, la Slovénie constituait la partie nord-ouest de la Yougoslavie. Après avoir acquis son autonomie, le pays a connu une croissance économique régulière. En 2004, il est entré dans l’Union européenne. Malgré sa taille modeste, la Slovénie présente une grande variété de paysages : sommets majestueux, lacs de montagne, forêts luxuriantes, immenses grottes de calcaire et Riviera enchanteresse. En à peine plus d’une heure, on peut goûter à la fois la fraîcheur des régions alpines et l’air embaumé des oliveraies et des vignes de la côte Adriatique. En outre, les sites culturels et historiques de la Slovénie offrent des possibilités d’exploration infinies. Le charme de ce petit pays ne s’arrête cependant pas à ses parcs nationaux et à ses villes historiques : il tient également à son riche patrimoine spirituel.

SALLES DU ROYAUME ET PIONNIERS

Vous vous rappelez sûrement Maribor, la ville où les “ barbiers de la Bible ” propageaient leurs nouvelles croyances. Le groupe qui s’y est développé se réunissait dans un restaurant, auquel a été donné le nom de Novi Svet (Monde nouveau). Aujourd’hui, les Témoins slovènes sont reconnaissants à Jéhovah de pouvoir se retrouver dans de belles Salles du Royaume, où ils l’adorent et reçoivent son enseignement. En raison de l’accroissement et de l’amélioration des conditions dans les années 90, un comité de construction régional a été créé. Grâce à l’aide d’une bonne centaine de volontaires et au soutien financier d’autres pays, les congrégations ont bâti ou rénové 14 Salles du Royaume depuis 1995.

L’augmentation du nombre des proclamateurs s’est accompagnée de celle de l’effectif des pionniers. De 10 en 1990, ils sont passés à 107 en 2000. Parmi ces prédicateurs zélés, citons Anica Kristan, qui était très engagée dans la politique avant d’accepter la vérité.

Des frères et sœurs de l’étranger ont donné une puissante impulsion à la prédication. Les premiers missionnaires en Slovénie, Franco et Debbie Dagostini, sont entrés dans le pays en 1992. Par la suite, ils ont été envoyés en Afrique, et ce sont Daniel et Karin Friedl, de nouveaux missionnaires originaires d’Autriche, qui les ont remplacés. Plus récemment, Geoffrey et Tonia Powell ainsi que Jochen et Michaela Fischer, eux aussi diplômés de Guiléad, sont arrivés. Tout comme les pionniers spéciaux venus d’Autriche, d’Italie et de Pologne, ils sont animés d’un profond amour pour Jéhovah et du désir sincère d’aider leurs semblables.

COMITÉS DE LIAISON HOSPITALIERS

En 1994, un bureau d’information hospitalier a été ouvert au Béthel et deux comités de liaison hospitaliers (CLH) ont été constitués. Certains des frères nommés à ces comités ont rencontré le ministre de la Santé, qui a organisé une réunion avec les directeurs de tous les hôpitaux de Slovénie. Les frères ont expliqué le rôle des CLH et exposé les raisons pour lesquelles les Témoins de Jéhovah refusent les transfusions sanguines. Depuis lors, les médecins coopèrent avec les patients qui ne veulent pas recevoir de sang. De plus, des revues médicales ont publié des articles sur les traitements de substitution.

En 1995, des médecins slovènes ont pratiqué avec succès leur première opération à cœur ouvert sans transfusion. L’information a été diffusée par les médias, et le chirurgien ainsi que l’anesthésiste ont rédigé un article sur cette intervention. La médecine sans transfusion a alors commencé à se développer et, depuis, un nombre croissant de médecins sont disposés à respecter le choix des Témoins de Jéhovah en matière de traitement médical.

DES SOLUTIONS POUR RÉPONDRE À L’ACCROISSEMENT

Après les changements politiques de 1991, le Collège central a décidé d’établir une filiale en Slovénie pour une meilleure organisation des activités théocratiques. Une maison de plain-pied a été achetée dans le centre de Ljubljana, la capitale, puis rénovée. Le 1er juillet 1993, la famille du Béthel y a emménagé. Au début, elle ne comptait que 10 membres, mais en une dizaine d’années, elle est montée à 35. En conséquence, un bâtiment voisin a été loué pour abriter la cuisine, la salle à manger et la lingerie. Entre-temps, les Béthélites se sont installés dans des appartements du quartier pour permettre l’aménagement de bureaux. En 1997, le bureau de Slovénie est devenu une filiale.

Quand le Collège central a approuvé la construction d’un nouveau Béthel, les frères se sont mis à la recherche d’un terrain adapté. Après en avoir vu une quarantaine, ils ont arrêté leur choix sur une parcelle à proximité de Kamnik, à 20 kilomètres de la capitale, au pied de splendides montagnes. En peu de temps, le certificat d’urbanisme et les permis de construire ont été obtenus, le terrain a été acheté, des contrats ont été signés avec une entreprise de construction et des serviteurs internationaux ont été invités à participer aux travaux. Tout semblait prêt.

Toutefois, quand la nouvelle du projet s’est répandue, les riverains n’ont pas tardé à manifester leur opposition. Le jour où les travaux devaient commencer, les protestataires ont barricadé l’accès au chantier. Puis ils ont déployé des banderoles exprimant leur mécontentement. Six jours plus tard, vers midi, une trentaine de policiers sont venus protéger les employés de la mairie envoyés pour ôter les barricades ; les contestataires ont insulté les policiers. Mais dans l’intervalle, le projet avait été ajourné, si bien que ni les frères ni les ouvriers de l’entreprise n’étaient présents ce jour-​là. Petit à petit, l’opposition s’est calmée et nos frères sont parvenus à une solution pacifique.

Par trois fois, les opposants avaient enlevé les barrières du chantier, mais finalement, les travaux ont débuté un mois plus tard et se sont poursuivis sans autre difficulté. Ce qui était à la base une attaque contre le peuple de Jéhovah s’est avéré bénéfique, car l’affaire a attiré l’attention des médias. Plus de 150 articles et reportages télévisés et radiodiffusés en ont fait état. Au bout d’environ onze mois, les travaux étaient terminés. En août 2005, la famille du Béthel a emménagé dans les nouvelles installations.

Depuis, les relations entre les frères et le voisinage ont changé du tout au tout. De nombreux riverains ont visité le Béthel. Un opposant a fini par s’intéresser de près au projet de construction. Il a voulu savoir qui nous étions et à quoi allait servir le nouveau bâtiment. Lors de sa visite, il a été impressionné par l’accueil amical qui lui était réservé et par la propreté des lieux. “ Les voisins me demandent si je suis de votre côté, a-​t-​il dit aux frères, et je leur réponds : ‘ Autant j’étais contre les Témoins de Jéhovah avant, autant je suis pour eux aujourd’hui, parce que ce sont des gens bien. ’ ”

Le 12 août 2006, Theodore Jaracz, membre du Collège central, a donné le discours d’inauguration devant un auditoire joyeux de 144 assistants originaires de 20 pays. À l’occasion d’une réunion spéciale tenue à Ljubljana, il s’est adressé à 3 097 personnes venues de toute la Slovénie, ainsi que de Croatie et de Bosnie-Herzégovine.

UN AVENIR RADIEUX

Les Témoins de Jéhovah de Slovénie envisagent l’avenir avec une totale confiance dans la direction et la bénédiction de leur Père céleste. À l’assemblée de district de 2004, ils ont eu le plaisir de recevoir Les Écritures grecques chrétiennes — Traduction du monde nouveau en slovène. Aujourd’hui, avec un nouveau Béthel adapté à leurs besoins et de nombreux pionniers qui se dépensent sans compter, ils sont résolus à s’acquitter de leur mission de prêcher et de faire des disciples. — Mat. 28:19, 20.

Dans ce pays à dominante catholique, l’époque du communisme a produit un grand nombre d’athées. En outre, beaucoup de Slovènes plient sous le poids des inquiétudes de la vie ou se laissent piéger par le matérialisme. D’autres s’intéressent davantage au sport ou aux divertissements. Néanmoins, il reste encore des personnes au cœur sincère qui sont attirées par les promesses de Dieu contenues dans la Bible.

L’activité de prédication ne cesse de se développer. En août 2008, un maximum de 1 935 proclamateurs a été atteint, dont un quart se dépensaient dans une forme ou une autre du service de pionnier. Le ministère s’effectue aussi dans des langues étrangères : en albanais, en anglais, en chinois, en croate et en serbe, ainsi qu’en langue des signes slovène. Dans les modestes débuts de l’œuvre en Slovénie, seuls deux barbiers prêchaient la bonne nouvelle. Actuellement, une foule de proclamateurs zélés de diverses nations recherchent les personnes qui en sont dignes et qui désirent servir le vrai Dieu, Jéhovah. — Mat. 10:11.

La région des Balkans autrefois connue sous le nom de Yougoslavie a essuyé conflits, chagrins et souffrances. Dans un climat d’intolérance religieuse et de haine raciale, l’amour que se manifestent les serviteurs de Jéhovah les a identifiés comme étant de véritables disciples de Christ et a élevé le culte de Jéhovah au-dessus de tout ce que le monde peut offrir. Cet amour divin incite toujours plus de personnes à embrasser le culte pur et aide nos frères à garder leur détermination à servir Jéhovah éternellement dans l’unité. — Is. 2:2-4 ; Jean 13:35.

[Notes]

^ § 65 Les Oustachi étaient des révolutionnaires fascistes qui combattaient pour l’indépendance de la Croatie, avec le soutien de l’Église catholique. Ils étaient connus pour leur brutalité.

^ § 147 En raison du climat politique, l’adjectif “ divine ” a été ajouté pour indiquer le genre de paix que recherchaient les frères.

^ § 190 Voir l’article “ De l’aide pour la famille de nos frères en Bosnie ” paru dans La Tour de Garde du 1er novembre 1994, pages 23-27.

[Entrefilet, page 165]

Alors que les préjugés nationaux et religieux faisaient rage à l’intérieur des frontières, nos frères étaient unis.

[Entrefilet, page 173]

‘ Suis-​je là pour plaire aux hommes ? Non ! Ma vie dépend-​elle de ce que les autres peuvent dire, penser ou faire ? Non ! ’

[Encadré, page 144]

Les contrastes au sein de l’ex-Yougoslavie

Interrogez un échantillon de personnes sur les différences qui existaient en ex-Yougoslavie, et vous obtiendrez sans doute des réponses variées. Mais toutes seront d’accord pour dire qu’on y dénombrait sept peuples, ayant des religions, des langues et des alphabets différents. Les groupes ethniques se distinguent essentiellement par leur religion. Il y a plus d’un millénaire, la chrétienté s’est divisée en deux : d’un côté, l’Église catholique romaine, de l’autre, l’Église orthodoxe. Cette division s’est effectuée selon une ligne qui passe en plein cœur de l’ex-Yougoslavie. La Croatie et la Slovénie sont en majorité catholiques, tandis que la Serbie et la Macédoine sont principalement orthodoxes. La Bosnie, elle, compte des musulmans, des catholiques et des orthodoxes.

Outre la religion, la langue a contribué à diviser les peuples. La plupart des habitants de l’ex-Yougoslavie, à l’exception du Kosovo, parlent une langue slave du sud. Même si chaque pays possède sa propre langue, l’existence de nombreux termes communs rend possible la communication entre Serbes, Croates, Bosniaques et Monténégrins. Il n’en va cependant pas de même entre Kosovars, Macédoniens et Slovènes. Les efforts entrepris à la fin du XIXsiècle pour unifier les langues présentant des similitudes ont cessé avec l’éclatement de la Yougoslavie en 1991. Au cours de la dernière décennie, tous les pays qui la composaient ont tenté d’établir leur propre identité en employant certains termes et en en rejetant d’autres.

[Encadré/Illustration, page 148]

Un horloger propage la vérité en Slavonie

Dans les années 30, en Croatie, Antun Abramović voyageait de village en village, réparant les montres et les horloges. Dans une auberge, il a trouvé une de nos brochures. En la lisant, il a tout de suite reconnu l’accent de la vérité et son cœur a été touché. Du coup, il a écrit au Béthel pour demander d’autres publications. En peu de temps, il est devenu un serviteur de Jéhovah baptisé. Désormais, lorsqu’il se déplaçait d’un village à l’autre, non seulement il réparait les montres, mais encore il donnait le témoignage à leurs propriétaires. Il était important qu’il ait un tel alibi, car l’œuvre était interdite. À Privlaka, il a rencontré plusieurs personnes qui ont accepté la vérité de tout cœur. Plus tard, une petite congrégation a vu le jour dans cette bourgade. De là, la vérité a atteint Vinkovci et ses environs.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, frère Abramović a aidé à imprimer clandestinement des publications, qui ont été diffusées dans toute la Yougoslavie. Son activité zélée lui a valu d’être parmi les 14 frères condamnés en 1947 à de longues peines de prison. Après sa libération, il a été surveillant itinérant. Son zèle dans le service de Jéhovah est resté intact toute sa vie durant.

[Encadré/Illustration, page 151]

Un chef d’orchestre devient pionnier

Il y a longtemps, dans ce qui est aujourd’hui la Bosnie-Herzégovine, Alfred Tuček, qui dirigeait l’orchestre de la Garde royale, a reçu des publications bibliques d’un collègue, Fritz Gröger. Sans doute à la fin des années 20, Alfred a pris contact avec l’association “ Le phare ”, à Maribor, pour faire part de son désir d’être pionnier permanent. Il a été l’un des premiers pionniers de Yougoslavie. Son amour pour Jéhovah l’a incité à quitter son emploi bien payé — la direction de l’orchestre militaire — et à ne pas “ regarde[r] les choses qui sont derrière ”. (Luc 9:62.) Au début des années 30, il a voyagé avec les pionniers d’Allemagne et a projeté le “ Photo-Drame de la Création ”. Il a également participé à la réalisation des plans de territoires pour organiser la prédication. En 1934, il a épousé Frida, une des pionnières allemandes. Leur première affectation a été Sarajevo, en Bosnie. Par la suite, l’œuvre d’évangélisation les a amenés à se rendre dans différentes régions de Macédoine, du Monténégro, de Croatie et de Serbie. Au début, ils se déplaçaient le plus souvent à vélo ; mais plus tard, ils ont circulé à moto. Même si à cette époque la bonne nouvelle n’était pas toujours bien accueillie et que la prédication fût interdite, ils avaient compris l’importance de toucher le plus de gens possible.

[Encadré/Illustrations, pages 155, 156]

Malade ou en bonne santé, il a persévéré

Martin Poetzinger a effectué son activité dans divers pays d’Europe centrale avant d’être affecté en Yougoslavie pour s’occuper d’un groupe de pionniers. C’est à cette époque qu’il a rencontré Gertrud Mende, une pionnière allemande zélée qui deviendra sa femme. La question des soins médicaux réclamait de la part des pionniers une entière confiance en Jéhovah. Bien que n’ayant aucune assurance maladie, ils ont toujours reçu l’aide dont ils avaient besoin. Dans certaines situations critiques, Jéhovah s’est servi de personnes bien disposées pour les aider. Lorsque frère Poetzinger est tombé gravement malade à Zagreb, sœur Mende a été là pour s’occuper de lui.

Elle raconte : “ Au milieu des années 30, Martin et moi avons tous deux été affectés à Sarajevo. Cependant, les choses n’ont pas tourné comme nous le pensions. Un soir, Martin ne se sentait pas bien. Pendant la nuit, il a eu jusqu’à près de 40 °C de fièvre. Le lendemain matin, quand je suis allée voir comment il allait, sa logeuse se disait inquiète. Nous avons, elle et moi, essayé de le soigner avec un remède local fait de vin bouilli avec beaucoup de sucre. Toutefois, son état ne s’améliorait pas. J’ai téléphoné à un certain nombre de médecins dont j’ai trouvé les noms dans l’annuaire téléphonique, mais aucun n’était disposé à venir immédiatement. Ils avançaient tous des excuses.

“ Sa logeuse a suggéré d’appeler l’hôpital. J’ai donc téléphoné au directeur de l’hôpital et expliqué que Martin était au lit avec 40 °C de fièvre. Le directeur, très amical, nous a envoyé une ambulance. Quand Martin a été emmené, sa logeuse m’a dit : ‘ Vous ne le reverrez pas. ’

“ Comme si la situation n’était pas assez angoissante, il y avait aussi le problème de l’argent. Tout ce que nous avions, nous les pionniers, c’était les contributions qu’on nous donnait pour les publications, c’est-à-dire le strict nécessaire. Nous ne savions pas quoi faire et nous ignorions combien le traitement allait coûter. Après avoir examiné Martin, le docteur Thaler a émis son diagnostic : ‘ Martin a une pleurésie. Il doit être opéré. Il lui faudra un certain temps pour se remettre sur pied. ’

“ Le docteur Thaler a dû comprendre que nous avions des difficultés financières, car il a dit : ‘ Je veux soutenir les gens qui ont une foi comme la vôtre ’, et il a opéré Martin gratuitement. Avec l’aide de Jéhovah, nous avons pu surmonter cette épreuve. La maladie de Martin nous a obligés à rentrer en Allemagne plutôt que d’aller à Sarajevo. ”

[Illustration]

Martin Poetzinger en Allemagne, en 1931.

[Encadré/Illustration, pages 161, 162]

Travail le jour, impression la nuit

LINA BABIĆ

NAISSANCE 1925

BAPTÊME 1946

EN BREF Elle est entrée au Béthel en 1953, année où l’œuvre a été reconnue. Elle a aidé à l’impression et à l’expédition de périodiques et de publications. Elle sert toujours Jéhovah fidèlement au Béthel de Zagreb.

QUAND les frères ont été libérés de prison, ils ont rapidement pris des dispositions pour l’impression des périodiques. Mais ils étaient peu nombreux, et le travail était colossal. Quand on m’a informée de la situation, j’ai décidé de me rendre disponible. J’avais un emploi profane, mais je désirais prêter mon concours. Je travaillais donc toute la journée, puis, jusque tard dans la nuit, je participais à l’impression des publications.

Comme à l’époque la filiale ne possédait pas de bâtiment, Petar et Jelena Jelić, un couple âgé, ont mis leur studio à notre disposition. C’était une pièce carrée d’environ 4,5 mètres de côté seulement. Un cadre en bois tendu d’une toile était posé sur le lit ; nous y empilions les pages imprimées. Sur une table à côté du lit se trouvait la ronéo manuelle, avec laquelle nous produisions quelque 800 pages à l’heure. Ce n’était pas beaucoup en comparaison des presses modernes, mais, au moins, à force de patience et de dur travail, nous étions en mesure de fournir toutes les publications nécessaires.

Nous étions très touchés par la patience avec laquelle les Jelić attendaient que nous ayons fini et débarrassions leur lit pour qu’ils puissent se coucher. Jamais ils ne se plaignaient. Au contraire, ils étaient heureux de pouvoir soutenir ainsi l’œuvre du Royaume ; leurs yeux brillaient de joie. Quand elle le pouvait, Jelena aidait, avec d’autres sœurs âgées, à assembler, à coudre et à plier les pages imprimées. Leur concours était inestimable.

En 1958, nous avons acquis une ronéo électrique, ce qui a facilité le travail. De 20 exemplaires en 1931, nous sommes passés, au début des années 60, à 2 400 exemplaires en trois langues : croate, serbe (cyrillique) et slovène. Nous ne pouvions pas produire de livres, mais nous avons imprimé de nombreuses brochures. En 1966, nous avons battu notre record. Le livre ‘ Choses dans lesquelles il est impossible à Dieu de mentir ’ a été produit par un imprimeur sous la forme d’un jeu de 12 brochures, chaque jeu constituant un livre entier. Pour les trois langues, il a fallu imprimer 600 000 brochures afin d’obtenir l’équivalent de 50 000 livres.

Aujourd’hui, je sers Jéhovah au Béthel de Zagreb. J’éprouve du bonheur à repenser à mes années de service, et à constater combien Jéhovah a béni l’œuvre dans tous les pays de l’ex-Yougoslavie.

[Encadré/Illustration, pages 176, 177]

“ Tout peut changer du jour au lendemain ”

IVICA ZEMLJAN

NAISSANCE 1948

BAPTÊME 1961

EN BREF Il a été emprisonné cinq fois pour sa neutralité. Plus tard, il a été surveillant de circonscription de week-end. Aujourd’hui, il est ancien dans une congrégation de Zagreb.

MES parents étaient dans la vérité et, à la maison, la vérité était notre principal sujet de conversation. Quand j’ai été convoqué pour le service militaire, je me suis présenté et j’ai dit que je voulais faire une déclaration. Après avoir expliqué ma position de neutralité, j’ai été jugé et condamné à neuf mois de prison. À ma libération, une nouvelle convocation m’attendait. J’ai été jugé de nouveau et condamné, cette fois, à un an de réclusion. À ma sortie de prison, j’ai trouvé une troisième convocation. J’ai alors écopé de 15 mois de prison. La quatrième fois, c’était 20 mois, et la cinquième, deux ans — soit au total plus de six ans d’emprisonnement. Cela s’est passé entre 1966 et 1980.

À deux reprises, on m’a envoyé sur l’île de Goli, dans l’Adriatique. C’était une île pénitentiaire pour prisonniers politiques. J’ai été traité comme eux. Notre tâche consistait à “ remplir la mer ” : nous transportions d’un bout à l’autre de l’île une caisse en bois remplie de pierres que nous jetions à l’eau. Chaque chargement pesait plus de 100 kilos. Ensuite, nous retournions chercher une nouvelle caisse. Toute la journée, nous faisions ces mêmes allers et retours qui ne rimaient à rien.

La deuxième fois qu’on m’a envoyé à Goli, l’accueil réservé alors à tout nouvel arrivant était un mois de cachot. C’était terrible d’être sous les verrous et totalement isolé. Durant ce temps, j’ai prié comme jamais auparavant. Je n’avais ni Bible ni publication biblique. L’isolement m’a été extrêmement pénible. J’ai reçu pour seul encouragement une lettre de mes parents. Toutefois, c’est à cette époque que j’ai ressenti la force des paroles de l’apôtre Paul : “ Lorsque je suis faible, c’est alors que je suis puissant. ” (2 Cor. 12:10). J’ai quitté la prison heureux et fortifié ; puis j’ai trouvé un emploi.

Dans une autre prison, on m’a obligé à aller voir un psychologue, qui s’est montré très dur envers moi et m’a insulté. Il m’a crié dessus, me disant notamment que je n’étais pas normal. Je n’avais pas le droit de répondre quoi que ce soit pour ma défense. Le lendemain, le même psychologue m’a convoqué et a déclaré sur un ton complètement différent : “ J’ai repensé à vous... Cette prison n’est pas l’endroit qu’il vous faut. Je vais vous trouver un travail à l’extérieur. ” À ma grande surprise, il l’a vraiment fait. J’ignore ce qui l’a amené à revenir sur son opinion, mais cela m’a montré que nous ne devons jamais avoir peur ou penser qu’il n’y a pas d’issue. Tout peut changer du jour au lendemain. Je suis reconnaissant à Jéhovah de tout ce qui m’est arrivé et qui m’a rapproché de lui.

[Encadré/Illustration, page 179]

“ A-​t-​on le droit de parler de football ? ”

HENRIK KOVAČIĆ

NAISSANCE 1944

BAPTÊME 1962

EN BREF Il a été surveillant itinérant de week-end en 1973, puis à plein temps de 1974 à 1976. À présent, il est membre du Comité de la filiale de Croatie.

NOUS ne savions jamais si nous allions rentrer chez nous après la prédication. Souvent, nous étions arrêtés et interrogés. Beaucoup se méprenaient sur notre compte.

Une fois, au commissariat, un agent m’a déclaré que nous n’avions le droit de parler de Dieu qu’aux endroits prévus pour cela, et non dans la rue ou de maison en maison. Comme Nehémia, j’ai prié brièvement Jéhovah de m’aider à trouver les bons mots. Puis j’ai demandé à l’agent : “ A-​t-​on le droit de parler de football seulement au stade ou aussi ailleurs ? ” Il m’a répondu qu’on peut parler de football n’importe où. “ Pareillement, ai-​je poursuivi, on peut parler de Dieu n’importe où, pas seulement à l’église ou dans un autre lieu de culte. ” Au terme d’un interrogatoire de cinq heures, mon compagnon et moi avons été libérés.

En repensant à nos 40 années de service, ma femme, Ana, et moi pouvons vraiment dire que nous ne les échangerions contre rien au monde. À nous deux, nous avons eu la joie d’aider près de 70 personnes à connaître la vérité. Chaque affectation que Jéhovah nous réserve ne peut qu’enrichir notre vie.

[Encadré/Illustration, pages 195, 196]

Nous avions promis de revenir

HALIM CURI

NAISSANCE 1968

BAPTÊME 1988

EN BREF Il a participé à l’organisation et à la distribution de l’aide humanitaire à Sarajevo. Aujourd’hui, il est ancien, membre d’un comité de liaison hospitalier et représentant officiel des Témoins de Jéhovah de Bosnie-Herzégovine.

EN 1992, la ville de Sarajevo était assiégée. Quand il n’y avait pas d’envoi de publications, nous étudiions d’anciens numéros. À l’aide d’une vieille machine à écrire, les frères tapaient les articles d’étude disponibles. Nous n’étions que 52 proclamateurs, mais plus de 200 personnes assistaient aux réunions, et nous dirigions environ 240 études bibliques.

En novembre 1993, au plus fort de la guerre, notre fille, Arijana, est née. Ce n’était pas une époque favorable pour mettre un enfant au monde. Nous étions privés d’eau courante et d’électricité pendant des semaines entières. Nous nous servions de meubles comme de combustible. Pour aller aux réunions, nous passions par des zones dangereuses. Les tireurs isolés faisant feu sur tout, nous devions courir pour traverser certaines rues et barricades.

Un jour d’accalmie, ma femme, notre bébé et moi rentrions de la réunion avec frère Dražen Radišić quand des tirs de mitrailleuse ont jailli. Nous nous sommes couchés par terre, mais une balle m’a touché au ventre. J’ai ressenti une violente douleur. Depuis leurs fenêtres, beaucoup de gens avaient vu ce qui s’était passé. Plusieurs jeunes hommes courageux sont sortis de leurs maisons en courant pour nous mettre à l’abri. J’ai été transporté d’urgence à l’hôpital, où on a tout de suite voulu m’administrer du sang. J’ai expliqué au médecin que ma conscience ne me permettait pas d’accepter de transfusion. Le personnel a fait pression pour que je change d’avis, mais mon choix était arrêté, et j’étais prêt à en assumer les conséquences. J’ai finalement subi une opération sans transfusion qui a duré deux heures et demie, et je m’en suis bien remis.

Après l’opération, j’avais besoin de me reposer, mais avec la guerre, c’était impossible. C’est pourquoi nous avons décidé d’aller rendre visite à notre famille en Autriche. Seulement, l’unique moyen de sortir de Sarajevo était d’emprunter un tunnel situé sous l’aéroport. Le tunnel mesurait près d’un kilomètre de long et 1,20 mètre de haut. Ma femme portait notre bébé, et moi j’essayais de porter les bagages. Toutefois, à cause de l’opération, je n’y arrivais pas. Elle a donc dû m’aider.

Notre séjour en Autriche nous a procuré une joie indescriptible. En partant de Sarajevo, nous avions promis à nos frères et à notre Créateur de revenir. Il a été très dur de quitter notre famille, surtout ma mère. Mais nous lui avons expliqué que nous avions promis à Dieu de rentrer à Sarajevo s’il nous aidait à en sortir pour prendre un peu de repos. Comment lui dire à présent : “ Merci de nous avoir aidés à venir ici. On est très bien ici. Maintenant on aimerait rester. ” De plus, les frères de Sarajevo avaient besoin de nous. Dans tout cela, Amra, ma femme, m’a été d’un grand soutien.

C’est ainsi qu’en décembre 1994 nous sommes arrivés à l’entrée du tunnel de Sarajevo. Cette fois-​ci, c’était pour regagner la ville. En nous voyant, des gens nous ont dit : “ Mais que faites-​vous ? Tout le monde veut sortir, et vous, vous retournez dans la ville assiégée ? ” Les mots sont trop faibles pour décrire nos merveilleuses retrouvailles avec nos frères à la Salle du Royaume de Sarajevo. Nous n’avons jamais regretté d’être revenus.

[Encadré, page 210]

Les îles croates

Les 1 700 kilomètres de côtes croates sont bordées de plus d’un millier d’îles, dont une cinquantaine sont habitées. Leur taille varie de moins d’un kilomètre carré à 400 kilomètres carrés.

Les insulaires pratiquent la pêche, cultivent l’olivier et la vigne, et s’occupent de leurs jardins. Le parc national de Kornat, un archipel de 140 îles et récifs, est un site de plongée exceptionnel. Les habitants de Krapanj et de Zlarin pêchent le corail et l’éponge. L’île de Hvar produit de la lavande, du miel et de l’huile de romarin. Sur l’île aride de Pag, on fabrique un fromage très prisé avec le lait de brebis vigoureuses qui broutent plantes aromatiques et herbes salées.

Les Témoins de Jéhovah se donnent de la peine pour toucher tous les habitants des îles. Certains proclamateurs doivent seulement franchir un pont pour atteindre l’une d’elles, tandis que d’autres doivent prendre un ferry. Des groupes de Témoins aiment organiser des campagnes de prédication de deux jours sur une île. Toutefois, il est parfois difficile de communiquer avec les habitants, car ils parlent un dialecte que les continentaux ont du mal à comprendre.

Des insulaires réagissent favorablement à la bonne nouvelle. D’ailleurs, l’île de Korčula abrite une congrégation de 52 proclamateurs. L’isolement de cette congrégation constitue une difficulté pour les orateurs qui viennent prononcer un discours public. Mais grâce à leurs efforts, elle demeure unie à ses frères et sœurs chrétiens du monde entier. — 1 Pierre 5:9.

[Encadré/Illustration, page 224]

‘ Je me suis présentée à la prison 11 jours à l’avance ’

PAVLINA BOGOEVSKA

NAISSANCE 1938

BAPTÊME 1972

EN BREF Elle est devenue pionnière en 1975, puis pionnière spéciale en 1977 — la première en Macédoine. Elle a aidé 80 personnes à connaître la vérité.

SOUVENT, quand je prêchais, on me dénonçait à la police, qui m’emmenait au commissariat et m’interrogeait, parfois pendant des heures. À de nombreuses reprises, j’ai dû payer des amendes. Devant les tribunaux, on m’accusait faussement d’être une ennemie politique de l’État et de répandre la propagande occidentale. Une fois, j’ai été condamnée à 20 jours de réclusion ; une autre, à 30 jours.

Juste au moment où était programmée notre assemblée de district, je devais purger une peine de 20 jours de prison. J’ai demandé à la cour de bien vouloir repousser ma peine, demande qui m’a été refusée. J’ai donc décidé de me présenter à la prison 11 jours à l’avance. Les fonctionnaires de l’administration pénitentiaire ont été surpris de me voir. Ils n’arrivaient pas à croire que quelqu’un puisse vouloir aller en prison aussi vite que possible. J’ai eu l’occasion de leur donner le témoignage, et ils ont promis de faire leur maximum pour prendre soin de moi. Onze jours plus tard, un policier est venu voir si je m’étais présentée. Quel n’a pas été son étonnement lorsque les fonctionnaires de la prison lui ont dit que j’étais là depuis 11 jours déjà ! Finalement, j’ai pu assister à l’assemblée.

[Encadré/Illustration, page 232]

‘ Ils donnaient ce qu’ils avaient de meilleur ’

ŠANDOR PALFI

NAISSANCE 1933

BAPTÊME 1964

EN BREF Ses parents ont connu la vérité dans un camp établi par les “ partisans ”, peu après la Seconde Guerre mondiale. Il a été surveillant itinérant de week-end, et il est à présent membre du Comité de pays de la Serbie.

À CAUSE de nos origines hongroises, nous avons été envoyés pour une courte période dans un camp créé par les “ partisans ”. Mais ce fut un mal pour un bien : mes parents y ont découvert la vérité. Adolescent, je ne m’y intéressais pas beaucoup. Cependant, frère Franz Brand, qui a vécu chez nous quelques années, a eu une puissante influence sur moi. Il m’a proposé de traduire une publication du hongrois en serbe, ce que j’ai accepté, pensant rendre service. Plus tard, j’ai appris qu’elle n’avait pas besoin d’être traduite ; Franz voulait juste être sûr que je la lise. Sa tactique a marché, car peu après, en 1964, je me suis fait baptiser.

Une de mes plus grandes joies a été le service itinérant. Ce n’était pas toujours facile, les frères ayant des moyens modestes. Souvent, je dormais dans la même pièce que ma famille d’accueil. Mais tous les sacrifices que j’ai faits en valaient la peine. C’était merveilleux de voir la joie des frères, qui attendaient ma visite avec impatience. Ils faisaient leur maximum pour donner ce qu’ils avaient de meilleur. Comment ne pas leur en être reconnaissant ?

[Encadré/Illustration, pages 236, 237]

“ Où est-​ce que je peux trouver ces gens ? ”

AGRON BASHOTA

NAISSANCE 1973

BAPTÊME 2002

EN BREF Il a servi dans l’Armée de libération du Kosovo. Il est aujourd’hui pionnier permanent et assistant ministériel.

EN VOYANT toutes les atrocités qui se commettaient pendant la guerre, notamment le meurtre de jeunes enfants, j’en étais arrivé à la conclusion que Dieu ne pouvait pas exister. Je me disais : ‘ S’il existe, pourquoi ne fait-​il rien pour empêcher toutes ces souffrances ? ’ Ma foi a fini de sombrer quand j’ai vu des chefs religieux musulmans soutenir la guerre contre les Serbes. Avant la guerre, j’étais musulman. Toutefois, à la fin du conflit, j’étais devenu athée et j’avais rejoint l’Armée de libération du Kosovo. Je n’y ai pas servi longtemps, mais j’ai acquis de nombreux privilèges, et on me respectait beaucoup. Je suis devenu agressif et orgueilleux, parce qu’on m’obéissait au doigt et à l’œil.

Malheureusement, j’avais la même attitude envers ma femme, Merita. J’estimais qu’elle devait faire ce que je lui demandais et toujours obéir à mes ordres. Durant la guerre, elle avait eu des contacts avec des Témoins, qui lui avaient laissé des publications. Un soir, avant d’aller dormir, elle m’a dit : “ Tiens, lis ça. Ça parle de Dieu. ” J’étais furieux qu’elle puisse penser être en mesure de m’apprendre des choses sur Dieu. Pour éviter l’affrontement, elle est partie se coucher.

Resté seul avec les publications, je me suis mis à lire la brochure Ce que Dieu attend de nous. Puis j’ai entamé Le temps de la vraie soumission à Dieu. Étant musulman, j’ai été étonné de voir que le Coran y était cité. J’ai ensuite lu plusieurs Tour de Garde et Réveillez-vous ! Plus tard dans la soirée, je suis allé dans la chambre réveiller Merita. “ Qui te les a donnés ? lui ai-​je demandé. Où est-​ce que je peux trouver ces gens ? ”

J’étais sincèrement touché par ce que j’avais lu, mais ma femme, sceptique, s’inquiétait de ce que je pouvais faire. Ce soir-​là, nous avons quand même appelé un Témoin, qui nous a informés du lieu et de l’heure de la prochaine réunion. Le lendemain matin, nous nous y sommes rendus. J’ai été très impressionné par la gentillesse des frères et leur accueil chaleureux ! Je n’imaginais pas qu’il pouvait y avoir des gens comme eux sur terre. Ils étaient différents, c’était évident. Au cours de la réunion, il m’est venu une question dont j’étais impatient de connaître la réponse et j’ai même levé la main pour la poser. Je tenais à parler aux anciens. Ignorant pourquoi, ils étaient un peu anxieux. Ils ont dû être soulagés quand ils ont compris que je voulais simplement savoir ce que je devais faire pour devenir Témoin de Jéhovah !

J’ai commencé à étudier la Bible le jour même. J’ai voulu opérer de nombreux changements dans ma personnalité, ce qui n’était pas facile. Je souhaitais arrêter de fumer, et il me semblait nécessaire de rompre avec mes anciens amis. Grâce à la prière et à l’assistance aux réunions, je me suis repenti de mon ancien mode de vie et j’ai revêtu la personnalité nouvelle. La vérité a complètement transformé ma vie et celle de ma famille ! Aujourd’hui, ma femme et moi sommes pionniers permanents et, depuis 2006, je suis assistant ministériel. Je peux maintenant aider autrui à comprendre pourquoi les gens souffrent et comment Jéhovah résoudra bientôt tous nos problèmes.

[Encadré/Illustration, pages 249, 250]

“ C’était comme si Jéhovah les avait aveuglés ”

JANEZ NOVAK

NAISSANCE 1964

BAPTÊME 1983

EN BREF Il a été emprisonné trois ans pour sa foi. Il est à présent membre du Comité de la filiale de Slovénie.

EN DÉCEMBRE 1984, les autorités militaires m’ont adressé plusieurs convocations pour l’armée. Quand elles en ont collé une sur ma porte et qu’elles ont menacé de faire appel à la police militaire pour m’envoyer chercher, j’ai décidé de me rendre à la caserne afin de leur expliquer ma position. Mais sans succès. Elles ont décidé de mettre tout en œuvre pour faire de moi un soldat. On m’a rasé la tête, enlevé mes vêtements civils et donné un uniforme. Comme je ne voulais pas l’enfiler, on me l’a mis de force. On m’a aussi mis un stylo dans les mains et on a essayé de me forcer à signer mon enrôlement. J’ai refusé.

J’ai également refusé de participer à l’entraînement matinal et au salut au drapeau. Lorsque quatre soldats m’ont emmené dans la cour et m’ont ordonné de faire les exercices, j’ai gardé les bras baissés. Ils ont essayé de me les lever jusqu’à ce qu’ils se rendent compte du ridicule de la situation. Ils m’ont mis en joue et ont menacé de me tuer. Certaines fois, ils ont tenté de m’acheter en me proposant du café et des gâteaux.

Ma détermination en faisait pleurer certains. D’autres étaient excédés par mon refus de cracher sur la photo du maréchal Tito qu’ils me mettaient sous le nez. Après quelques jours, ils ont voulu me faire porter les armes, ce que j’ai aussi refusé. Un tel refus étant considéré comme un délit militaire, j’ai été consigné au quartier pendant un mois. Puis j’ai passé plusieurs semaines en prison à Zagreb, en attendant le verdict. Dans la cellule, une lumière rouge restait allumée toute la nuit. De plus, je ne pouvais aller aux toilettes que si le gardien était de bonne humeur.

Finalement, j’ai été condamné à trois ans de réclusion sur l’île de Goli, dans l’Adriatique, où étaient envoyés les pires criminels. Cette prison était célèbre pour la violence entre les détenus, et on m’y a conduit les mains enchaînées parce que je refusais de me battre ! J’y ai rencontré quatre autres Témoins condamnés pour leur neutralité.

Nous n’avions le droit de faire entrer ni bible ni aucune autre publication. Mais il y avait déjà une bible sur place. Ma famille m’envoyait La Tour de Garde par courrier dans une boîte à double-fond. Les gardiens n’ont jamais découvert nos publications ni remarqué que nous tenions des réunions chrétiennes. Parfois, ils faisaient irruption alors que des publications n’étaient pas rangées. Mais ils ne voyaient rien. C’était comme si Jéhovah les avait aveuglés.

Au bout d’un an, on m’a transféré en Slovénie pour que j’y purge le reste de ma peine. Durant mon séjour en prison, j’ai épousé Rahela. À ma libération, j’ai entrepris le service de pionnier avec ma femme. Depuis 1993, nous sommes au Béthel de Slovénie.

[Tableau/Graphique, pages 244, 245]

Pays de l’ex-Yougoslavie — REPÈRES HISTORIQUES

Années 20 Un petit groupe se réunit à Maribor (Slovénie) pour examiner la Bible.

Années 30 Des pionniers allemands sont envoyés en Yougoslavie.

1935 Un bureau est ouvert à Belgrade (Serbie) pour la direction de l’œuvre.

1940

1941 L’armée allemande envahit le pays. Suivent d’intenses persécutions.

1950

1953 Les Témoins de Jéhovah sont enregistrés officiellement, mais la prédication de porte en porte est sous restrictions.

1960

1969 Une assemblée internationale a lieu dans ce stade, à Nuremberg (Allemagne).

1970

1990

1991 Première assemblée internationale, à Zagreb (Croatie). Arrivée de missionnaires formés à Guiléad. Un bureau est ouvert en Slovénie, sous la supervision de la filiale d’Autriche. La guerre éclate.

1993 Les Témoins de Jéhovah sont enregistrés officiellement en Macédoine.

1994 Un comité de liaison hospitalier est créé en Slovénie.

2000

2003 Les Témoins de Jéhovah obtiennent la reconnaissance légale en Croatie. Un nouveau Béthel est inauguré en Macédoine.

2004 Les Écritures grecques chrétiennes — Traduction du monde nouveau paraissent en slovène.

2006 Un nouveau Béthel est inauguré en Slovénie. Les Saintes Écritures — Traduction du monde nouveau paraissent en croate, en serbe et en macédonien. Un groupe chinois est formé à Belgrade (Serbie).

2007 En Macédoine, le discours spécial est prononcé pour la première fois en langue romani. Parution de la première publication en romani.

2010

[Graphique]

(Voir la publication)

Total des proclamateurs

Total des pionniers

14 000

10 500

7 000

3 500

1940 1950 1960 1970 1990 2000 2010

[Cartes, page 147]

(Voir la publication)

RÉPUBLIQUE TCHÈQUE

AUTRICHE

VIENNE

SLOVAQUIE

BRATISLAVA

HONGRIE

BUDAPEST

ROUMANIE

BULGARIE

GRÈCE

ALBANIE

TIRANA

MER IONIENNE

ITALIE

MER ADRIATIQUE

EX-YOUGOSLAVIE

SLOVÉNIE

LJUBLJANA

Maribor

Kamnik

CROATIE

ZAGREB

SLAVONIE

Osijek

Vukovar

Vinkovci

Privlaka

Jasenovac

Šibenik

Split

CÔTE DALMATE

Goli

Pag

Kornat

Zlarin

Krapanj

Hvar

Korčula

BOSNIE-HERZÉGOVINE

SARAJEVO

Bihać

Banja Luka

Tuzla

Travnik

Zenica

Vareš

Mostar

SERBIE

BELGRADE

VOJVODINE

Bor

MONTÉNÉGRO

PODGORICA

Nikšić

Herceg Novi

Tara

Lac de Shkodër

KOSOVO

Peć

Priština

MACÉDOINE

SKOPJE

Tetovo

Kočani

Štip

Kičevo

Strumica

Resen

Remarque : Les Nations unies ont signalé que “ le Kosovo a proclamé son indépendance vis-à-vis de la Serbie en février [2008] ”. Pour tenter de résoudre le litige concernant le statut politique du Kosovo, l’Assemblée générale des Nations unies a sollicité “ un avis consultatif auprès de la Cour internationale de justice ”.

[Illustrations pleine page, page 142]

[Illustration, page 145]

Franz Brand.

[Illustrations, page 146]

Rudolf Kalle et une de ses machines à écrire.

[Illustration, page 149]

Prédication en Slovénie avec un pick-up de location.

[Illustration, page 154]

Les premiers pionniers ont rencontré de nombreuses difficultés.

[Illustration, page 157]

Alfred et Frida Tuček avec leurs bicyclettes.

[Illustration, page 158]

Rudolf Kalle devant le Béthel de Belgrade, en Serbie.

[Illustrations, page 168]

Franc Drozg et une reproduction de sa lettre.

[Illustration, page 180]

Ci-contre : l’étable à Ljubljana (Slovénie) qui a été transformée en Salle du Royaume.

[Illustration, page 180]

Ci-dessous : une des premières Salles du Royaume à Zagreb (Croatie).

[Illustration, page 182]

Stojan Bogatinov.

[Illustrations, pages 184, 185]

Arrière-plan : assemblée internationale “ Paix sur la terre ” tenue en 1969 à Nuremberg (Allemagne) ; à gauche : un train en provenance de Yougoslavie se rendant à l’assemblée ; à droite : Nathan Knorr.

[Illustration, page 188]

Ðuro Landić.

[Illustrations, page 192]

Milton Henschel prononçant un discours, et les baptêmes à l’assemblée internationale “ Amis de la liberté divine ” en 1991 à Zagreb (Croatie).

[Illustration, page 197]

Ljiljana et ses filles.

[Illustrations, page 199]

L’aide humanitaire est arrivée d’Autriche par camion.

[Illustration, page 200]

La famille Ðorem en 1991.

[Illustration, page 204]

Baptême dans un tonneau à poisson à Zenica en 1994.

[Illustrations, page 209]

Les secours humanitaires étaient entreposés à Zagreb.

[Illustration, page 215]

Elke et Heinz Polach.

[Illustrations, page 216]

Comité de la filiale et Béthel de Croatie.

[Illustration, page 228]

Livraison de secours humanitaires en Bosnie.

[Illustrations, page 233]

Comité de pays de la Serbie ; Béthel de Belgrade.

[Illustration, page 235]

Saliu Abazi.

[Illustrations, page 243]

Prédication à Podgorica ; Salle du Royaume de Podgorica.

[Illustration, page 247]

Vieille ville de Piran (Slovénie).

[Illustration, page 251]

Ancien Béthel à Ljubljana (Slovénie), en 2002.

[Illustration, page 253]

Béthel de Kamnik (Slovénie), en 2006.

[Illustration, page 254]

Comité de la filiale de Slovénie.